Il y a un vrai potentiel d’investissements en immobilier indirect inexploité chez les clients des banques privées

12/04/2021

Olivier Toublan

Immoday

4 min

Dans les banques privées, la clientèle investit environs 5% de sa fortune dans l'immobilier indirect. C'est peu par rapport aux caisses de pension, ce qui signifie que le potentiel de croissance est important. D’autant que pour les clients privés aussi, l’immobilier indirect est la dernière source de rendements stables.

Si l'immobilier indirect est présent en force dans les portefeuilles de toutes les caisses de pension de Suisse, il est moins prisé des riches clients des banques privées. Pour une raison simple : comme nous le rappellent plusieurs gestionnaires de fortune, ce genre de clients possède déjà, la plupart du temps, de l’immobilier privé, que ce soit une demeure principale, des résidences secondaires et, peut-être, un ou deux immeuble. Dès lors, ils ne sont pas a priori intéressés par l’immobilier indirect. D’ailleurs, plusieurs banques privées genevoises n’ont même pas de spécialiste dans le domaine. Pourtant, comme le remarque Stéphane Monier, responsable des investissements de la banque Lombard Odier, cet immobilier patrimonial n’est pas très rémunérateur.  « C’est souvent de l’immobilier de prestige, qui n’est pas celui qui génère la plus grande rentabilité. »

 

Une situation qui a fortement évolué

Ca, c’était la situation historique. Ces dernières années, elle a fortement évolué. Comme les caisses de pension, les clients des banques privées cherchent aussi du rendement et placent donc une partie de leur fortune dans des actifs sûrs. Qui furent longtemps des obligations de bonne qualité. Mais aujourd’hui, avec des taux historiquement bas, ces obligations ne rapportent plus rien, quand il ne faut pas payer pour les détenir dans son portefeuille. Dans ce contexte, on le sait, l’immobilier indirect est devenu une des dernières classes d’actifs sans trop de risque, qui propose un rendement stable. D’où l’augmentation de la présence de fonds immobiliers, cotés ou non, dans le portefeuille des clients des banques privées. Jusque là, rien de bien étonnant.

Une allocation en immobilier autour de 5%

Mais soyons plus précis. Quel est le niveau d’allocation de ces clients dans l’immobilier indirect ? Evidemment, tout dépend du client, de sa fortune, de ses besoins et son appétence au risque. Ce qui donne, pour les « petits » clients, « un bon 10%, qui peut monter jusqu'à 20% d’immobilier indirect quand le client ne possède pas déjà en parallèle de l'immobilier privé qu’il gère en direct » analyse Jean-Paul Jeckelmann, responsable des investissements de la banque Bonhôte, à Neuchâtel. Pour les plus

gros clients, la proportion baisse. « Chez nous, la part de l'immobilier dans le portefeuille des clients privés est souvent inférieure à 5 % », assure Zsolt Kohalmi, responsable de l’investissement immobilier de la banque Pictet.

Stéphane Monier donne peu ou prou le même chiffre, tout comme Pierre Jacquot, responsable des investissements de la banque Edmond de Rothschild, à Genève. « J’estime que c'est trop bas pour des clients privés, orientés sur la préservation de leur fortune sur le long terme, poursuit Zsolt Kohalmi. Si je regarde les institutionnels suisses, qui investissent eux aussi sur le long terme et qui ont longuement réfléchi à leur allocation d'actifs, on constate que l'immobilier représente, en moyenne, entre 13% et 19% de leur portefeuille. On devrait pouvoir tendre vers ce niveau-là pour les clients privés également ».

 

Une tendance à la hausse

Si arriver un jour à de tels pourcentages est peut-être optimiste, il est indéniable que, quel que soit le niveau actuel d’allocation, tous les banquiers privés que nous avons interrogés estiment que la tendance est à la hausse. « Quel que soit le type de clientèle, il y a actuellement une augmentation de l’immobilier », confirme Stéphane Monier. Comme le résume Jean-Paul Jeckelmann, « c’est un des derniers bastions où l'on trouve encore des rendements relativement stables. Avec de nombreux véhicules intéressants dans l'immobilier indirect, assez liquides, et une fiscalité qui peut être optimisée » Bref, il y a du choix, c'est plus souple et moins contraignant que l'immobilier direct. « Ce que nous leur proposons alors, selon leur profil de risque et leurs besoins, c’est de compléter par de l’immobilier indirect, pour diversifier leur portefeuille. Ainsi, par exemple, quand ils ont beaucoup d’immobilier résidentiel direct, nous leur proposons de l'immobilier commercial, ou des investissements immobiliers dans d'autres zones géographiques », résume Stéphane Monier.

 

Il n’y a pas de performance sans risque

Quoi qu’il en soit, l’immobilier est aujourd’hui devenu une classe d’actifs incontournable pour les clients de banques privées. Ce qui fait sourire Arnaud de Jamblinne, directeur du fonds immobilier La Foncière, actif de puis 40 ans dans le secteur, qui n’a pas oublié les leçons du passé : « Dans les années 90, après la flambée des taux d'intérêt, on avait des agios négatifs, et donc des cours de bourse qui sont descendus en dessous de la valeur nette d'inventaire. Quand on allait voir des gérants de fortune, l'immobilier ne les intéressait pas ! » Ceux qui on fait des bonnes affaires, ce sont les investisseurs qui ont osé entrer dans le marché à cette époque.
 

Le retournement de situation actuel ne doit pas faire oublier que l’immobilier demeure un actif risqué. Comme nous le rappelait un gestionnaire de fortune, « il n’y a pas de performance sans risque. L’immobilier ne fait pas exception ». Effectivement, remplacer l’obligataire par des fonds d’immobilier indirect, si cela permet de préserver un rendement stable, cela comporte aussi quelques risques propres à ce type de véhicules. Lesquels ? Nous le verrons dans un prochain article.

 

Olivier Toublan pour Immoday