Vers une explosion des charges pour les locataires

31/08/2022

Immoday

Olivier Toublan

4 min

Bonne nouvelle pour la durabilité et mauvaise nouvelle pour les locataires : la hausse des prix de l’énergie va faire exploser les charges locatives. Jusqu'à 40% de hausse pour les logements chauffés aux énergies fossiles. Les sources d’énergies durables devraient en bénéficier.

 

 

La guerre en Ukraine a fait s'envoler les prix de l'énergie. On le constate chaque fois qu'on va faire le plein d'essence. Et tous les locataires le constateront bientôt quand ils recevront leur prochain décompte de charges. Comme le rappelle une récente étude de Credit Suisse, fin avril, les prix de gros avaient progressé, sur un an, de 76% pour le fioul domestique, de 354% pour le gaz naturel et de 217% pour l’électricité. Au vu de l'évolution de la situation en Ukraine, qui s'enlise, il est peu probable que les choses vont s'améliorer cet hiver. Au contraire, on s'attend plutôt à des pénuries de gaz et d'électricité en Europe occidentale. Avec quelles conséquences pour les propriétaires immobiliers et leurs locataires ?

 

Les calculs des experts

 

Dans le dernier "Moniteur immobilier suisse", les économistes de Credit Suisse rappellent d'abord que "si les hausses de prix du fioul sont directement répercutées aux consommateurs, l’inertie du prix du gaz et la réglementation des prix de l’électricité pour les ménages signifient que les hausses de prix ne sont pas encore totalement arrivées dans les foyers suisses".

Les experts de Credit Suisse ont fait leurs petits calculs, tenant compte des trois systèmes de chauffage les plus courants : au fioul, au gaz naturel et par pompe à chaleur électrique (air-eau). A noter que, si l'utilisation des pompes à chaleur électriques a été presque multipliée par sept entre 2000 et 2020, ces dernières ne représentent toujours que 20% des surfaces chauffées. Environ 60% des habitations suisses sont toujours chauffées aux combustibles fossiles, grosso modo pour moitié au fioul et pour moitié au gaz.

 

Des hausses conséquentes pour les locataires

 

Si la demande moyenne annuelle de chauffage par m² a fortement baissé ces 20 dernières années, passant d’environ 110 kWh/m² SRE à 87 kWh/m² SRE, les experts de Credit Suisse rappellent qu'il existe d'importantes différences entre les systèmes de chauffage. "Dans les années 2015 à 2019, la consommation annuelle moyenne d’énergie pour le chauffage des bâtiments au fioul était d’environ 102 kWh/m², alors que les chauffages au gaz consommaient 90 kWh/m² et les pompes à chaleur seulement 19 kWh/m², grâce à leur rendement énergétique plus élevé".

En chiffres, selon les calculs de Credit Suisse, cela signifie que les frais énergétiques pour le chauffage et l’eau chaude d’un logement de 99 m² avec pompe à chaleur atteignaient en moyenne 718 francs en 2021, soit près de 48% de moins que les coûts de chauffage d’un logement de même surface ayant recours aux énergies fossiles, environ 1400 francs, que ce soit pour le fioul ou pour le gaz. Mais après la forte hausse des prix de l’énergie, cette différence est désormais passée à 61%. "Ainsi, les usagers paieront cette année environ 2000 francs pour chauffer un logement au fioul et 1900 francs au gaz, soit une augmentation de près de 40% par rapport à 2021". Alors que les frais énergétiques des pompes à chaleur ont progressé de seulement 3%. Notamment en raison de la réglementation des prix de l’électricité pour les consommateurs.

 

Des amortissements raccourcis d'un tiers pour le durable

 

Le problème, bien évidemment, c'est que les pompes à chaleur coûtent cher.  Après déduction de la subvention moyenne (4325 francs), les coûts d’investissement dans une pompe à chaleur air-eau s’élèvent à environ 30'000 francs alors que 20'000 francs suffisent pour un chauffage au fioul ou au gaz, calculent les économistes de Credit Suisse. "Avec les prix moyens de l’énergie des années 2019 à 2021, et en tenant compte des frais d'entretien, cela signifiait que l’installation d’une pompe à chaleur air-eau était financièrement rentable au bout de douze à quatorze ans par rapport à un chauffage au fioul ou au gaz". Mais aujourd'hui, la forte hausse des prix des combustibles fossiles à redistribué les cartes. Et la question de la durée d’amortissement des énergies renouvelables par rapport aux énergies fossiles se pose à nouveau.

Les économistes de Credit Suisse ont donc refait leurs calculs. Ils ont chiffré les coûts de la rénovation de l’installation de chauffage d'un logement de 99 m², et les coûts énergétiques, sur une durée d’amortissement moyenne de 20 ans.

Conclusion des experts de Credit Suisse, qui ont également pris en compte les frais d'entretien, "désormais, la pompe à chaleur est moins chère que le chauffage au fioul ou au gaz après seulement huit ou neuf ans". Ça commence à devenir intéressant et ça devrait pousser plus de propriétaires à investir dans du chauffage durable. 


Olivier Toublan, Immoday