Interview '5 minutes avec' Amine Hamdani

16/07/2021

Immoday

Rédaction

3 min

 

'5 minutes avec' est une série d’interviews destinées à faire mieux connaitre les acteurs de la titrisation immobilière en Suisse et leurs activités.

 

Bonjour Amine, pouvez-vous nous dire qui vous êtes au bureau ? Quel est votre parcours professionnel ?
 

Je dirais que mon parcours professionnel est à la fois typique et atypique, dans le sens où j'ai toujours fait de l’immobilier. Je n’étais pas forcément prédestiné à travailler dans ce domaine… mais j'ai toujours eu une certaine affinité avec l'architecture, la construction. J'ai été confronté à ça depuis mon enfance.

J'ai commencé dans l'hôtellerie en faisant mes études à l'école hôtelière de Lausanne qui ouvre souvent d’autres débouchés. À la fin de mes études, j’ai commencé à travailler chez PKF, une société active dans l’immobilier à Dubaï, avant de rejoindre CBRE Dubaï où nous avons créé avec un collègue le département hôtelier pour tout le Moyen-Orient.

C’est alors que j’ai commencé mon activité d’immobilier indirect avec une structure de conseil en structuration de fonds et levée de fonds propres, notamment en amenant des capitaux moyen-orientaux sur des véhicules à Londres. L’idée était d’aider d’accompagner des promoteurs immobiliers pour structurer leur capital sous forme de véhicules d’investissement et d’acquérir les compétences d’asset management pour compléter leur expertise.

Après Dubaï et Londres, un ancien ami zurichois m’a convaincu de revenir en Suisse, au département Corporate Finance de l’UBS, en charge de la division Real Estate pour la Suisse romande où je me chargeais principalement des transactions. J’en ai profité pour redévelopper cette activité de financement structuré avec une spécialisation dans l’hôtellerie… une manière de boucler la boucle avec mes études, parce qu’un hôtel c’est finalement aussi de l’immobilier et qu’il n’y a pas beaucoup de profils avec cette double expertise de l’immobilier traditionnel, avec du résidentiel et du commercial, et la connaissance plus opérationnelle de l’immobilier alternatif.

En 2014, après UBS, je suis revenu chez CBRE, d’abord à Zurich, puis à Genève depuis 2019 où je suis responsable de la Suisse Romande.

 

Si vous deviez citer un trait de caractère professionnel qui vous correspond ?

 

J’ai un caractère très positif en général. Positivisme et résilience…


Dans ce métier, il faut être résiliant parce qu’il y a des « up », des « down », et il ne faut jamais lâcher. Certaines transactions sont relativement simples. Mais quand on réalise, comme nous, pour 3 milliards de transactions par an, il y en a beaucoup de vraiment compliquées et c’est là qu’on reconnait les vraies qualités d’un brooker. Le positivisme est tout aussi important parce qu'on le transmet à nos équipes, à nos clients et aux investisseurs.

 

Et qui êtes-vous à la ville ?

 

Mes origines familiales sont marocaines. Une famille plutôt de scientifiques, de littéraires et aussi un petit peu d'immobilier. J’ai une vraie passion pour l’architecture que je cultive autant au bureau qu’à la maison. Sinon j’aime bien voyager, découvrir d’autres cultures et la littérature… un peu comme tout le monde. Et j’adore aussi le tennis.

 

Un trait de caractère plus personnel ?

 

Je remettrai une petite couche de positivisme et peut-être l'empathie aussi. Un héritage de famille je pense. J'ai toujours essayé de comprendre la personne en face de moi, de me mettre à sa place. C'est vraiment quelque chose d'important à mes yeux.

 

Surtout quand on a une activité commerciale… !

 

(rires) Oui effectivement ! Surtout quand on a une activité commerciale. C'est intéressant parce que vous connaissez bien le domaine, alors je dirais que ce qui aide une activité commerciale, c'est aussi une certaine authenticité. Ça établit un climat de confiance qui va bien au-delà du simple objectif commercial. C’est important pour moi de comprendre qui est vraiment la personne derrière un vendeur ou un acheteur, quelles sont ses aspirations, ses valeurs, qu’est-ce qui le fait vibrer.
 

Humainement, intellectuellement, c’est très enrichissant. Et accessoirement ça facilite aussi le business car la relation passe à un autre niveau.

 

Quel est le rôle de CBRE dans l'immobilier indirect en Suisse ?

 

Nous intervenons comme prestataires à plusieurs niveaux pour la plupart des véhicules immobiliers. Nous les aidons d’une pour les transactions, qu’il s’agisse d’acheter ou vendre des biens. Nous intervenons également au niveau de l’exploitation des bâtiments puisque nous sommes mandatés pour commercialiser leurs surfaces de bureaux. Parfois, ce sont aussi des clients internationaux qui nous mandatent pour leur trouver des locaux, comme récemment Google à Zurich.

Par ailleurs, nous intervenons très souvent pour expertiser les immeubles pour plusieurs fonds cotés, sociétés immobilières et fondations. Enfin, notre connaissance du marché nous permet d’intervenir comme consultant stratégique auprès des fonds quand il s’agit de revaloriser des biens ou une friche industrielle en adéquation avec les objectifs du fonds… mais aussi d’accompagner les différents acteurs tout au long de leurs projets, de la structuration à la recherche de financements.

 

Aujourd’hui, quels sont les principaux atouts de CBRE dans ce rôle?

 

CBRE c’est avant tout 30 ans d’expérience en Suisse, avec 125 personnes réparties en 6 bureaux qui ne font que de l’immobilier, que ce soit de l'expertise, des transactions ou de la commercialisation d’espaces. C’est surtout la richesse de backgrounds extrêmement différents avec des ingénieurs, des architectes, des gens qui ont fait l’école hôtelière à Lausanne, des chercheurs (dans le cadre de nos activités de recherche et d'accompagnement des collectivités publiques), des économistes, des géographes, des urbanistes et des sociologues…

Et aussi un track record ! Dans le sens où, aujourd'hui, quand un client nous parle de tel immeuble ou tel projet, on l’a souvent déjà vu, peut-être déjà vendu ou loué… ou on a travaillé avec le voisin, ou encore avec la collectivité locale. Du coup, on comprend les choses beaucoup plus vite car souvent on les connaît.
 

Enfin, ce qui nous caractérise peut-être le plus mais qui selon moi reste le moins tangible, c’est le caractère vraiment national de CBRE. Chacun intervient en fonction de ses compétences n’importe où en Suisse. En fait, il y a très peu de sociétés de conseil suisses qui soient vraiment nationales. Elles regroupent plusieurs bureaux qui agissent localement assez indépendamment.

 

Comment décririez-vous le marché de l'immobilier indirect en Suisse aujourd’hui ?

 

Je dirais assez dynamique, en croissance, mais peu diversifié. On est un petit peu en monocolore dans le sens où une part écrasante de l’indirect aujourd'hui concerne le résidentiel et peut-être un peu les bureaux. En Suisse, on a laissé très peu de place à tout ce qui est un peu plus… comment dire... peut-être pas risqué mais un peu plus alternatif.

Et du coup ça freine le potentiel de toute une partie des actifs, comme l’hôtellerie par exemple. Il n’y a plus tellement de fonds hôteliers. Certains fonds qui ont des immeubles de bureaux et certains actifs hôteliers au sein de leur véhicule, mais ils n'ont pas de stratégie dédiée. Encore une fois l’hôtellerie, c’est juste une partie de l'immobilier annexe ou alternatif. Il y a bien évidemment les résidences seniors, tout ce qui est leisure, la logistique… la logistique, justement, ça démarre un petit peu. On en parle déjà depuis 4 ou 5 ans, on dit tout le temps qu’il y a une place à prendre, que c'est un marché intéressant.
 

Aujourd'hui, on voit quand même clairement que ça commence à changer. Il y a des véhicules qui se créent avec des positionnements moins traditionnels mais il faudra encore du temps pour faire bouger les habitudes d’investissement. Pourtant il y a de vraies opportunités à sortir des sentiers battus, hors de ce « monochromatic indirect investement ». Il faut regarder ce qui se passe à l’étranger par exemple où l’activité historique était essentiellement commerciale et où le résidentiel commence à se développer.

 

Votre vision pour l’immobilier indirect à court et moyen à moyen terme ?

 

On en a déjà bien parlé je crois… C'est une industrie dynamique avec un fort potentiel, mais il y a encore beaucoup de choses à développer. Il faudra ouvrir les yeux et oser sortir un peu du résidentiel à 2%, surtout si les taux remontent un jour.

 

Et puis il y a de nombreux sujets qui vont rapidement venir impacter l’immobilier indirect… Comme la blockchain et la tokenisation immobilière où de grosses avancées ont été faites récemment tant sur le plan législatif qu’opérationnel.
 

On peut aussi citer la plateforme Property Match qui vient d’être lancée et qui va contribuer à rendre le marché des fonds non cotés plus transparent et potentiellement plus liquide. On a vu le franc succès que cette joint-venture CBRE-GFI a rencontré en Europe. J'espère que cette initiative rencontrera le même succès en Suisse où ce marché est encore un petit peu old school et opaque, si je peux me permettre.

 

Enfin, et pour finir par une note plus personnelle, est-ce qu’il y a une chose que vous aimeriez changer quand vous regardez votre parcours jusqu’à aujourd’hui ?

 

Je ne vois pas grand-chose. Ou alors j’aurais bien aimé créer des véhicules d'investissement, si ceux-ci ne rentrent pas en conflit avec les stratégies de nos clients. Voilà peut-être un petit regret que j'ai… nous ne nous sommes pas penchés suffisamment sur le sujet alors qu’il y a encore, au risque de me répéter, beaucoup de potentiel à développer en dehors du locatif et je trouve parfois dommage de ne pas en profiter !
 

Alors avis aux amateurs, on connait bien le domaine, on connait les actifs, on sait acheter, on a le deal flow et parfois aussi les investisseurs.

 
 

Philippe Perret du Cray pour Immoday