Comme source de rendement, l’immobilier indirect a remplacé l’obligataire

24/03/2021

Olivier Toublan

Immoday

3 min

Pour des clients fortunés qui possèdent déjà des immeubles dans leurs actifs, l’immobilier indirect est devenu une source de diversification du portefeuille et de rendement stable. Il remplace souvent des obligations pénalisées par des taux historiquement bas.

 

Comment assurer aujourd’hui un rendement stable sur le long terme à des clients fortunés, alors que les obligations ne rapportent presque plus rien ?  La réponse, pour Stéphane Monier, CIO de la banque privée genevoise Lombard Odier, c’est l’immobilier indirect. Mais de quel type ? Comment sélectionner les fonds ? Et quel poids donner à l’immobilier dans l’asset allocation?
 

Avant de répondre à ces questions, une petite parenthèse biographique : Stéphane Monier est, depuis 5 ans, le CIO de Lombard Odier, banque pour laquelle il travaille depuis 2009. Auparavant, après des études à Paris, il a travaillé à la Banque Populaire à New York avant de rejoindre JP Morgan Investment Management en 1991, suivi par un passage à l'Abu Dhabi Investment Authority, puis chez Fortis Investments et ABN AMRO Asset Management.

 

Stéphane Monier, chez Lombard Odier, quelle est la demande de vos clients privés pour l’immobilier ?

Dans la gestion de fortune, la plupart de nos clients possèdent déjà de l’immobilier direct dans leurs actifs, que ce soit la maison familiale, des résidences secondaires, ou des immeubles. Donc souvent de l’immobilier de prestige, qui n’est d’ailleurs pas celui qui génère la plus grande rentabilité. Ce que nous leur proposons alors, selon leur profil de risque et leurs besoins, c’est de compléter par de l’immobilier indirect, pour diversifier leur portefeuille. Ainsi, par exemple, quand ils ont beaucoup d’immobilier résidentiel direct, nous leur proposons de l'immobilier commercial ou des investissements immobiliers dans d'autres zones géographiques.
 

Au final, quelle est la part d’immobilier dans leur asset allocation ?

Aujourd’hui, pour faire simple, nous proposons à nos clients - qui, je le rappelle possèdent déjà de l’immobilier direct -  une allocation moyenne de 4 % dans l’immobilier indirect. Sachant que cela peut varier, selon notre analyse du marché et les besoins du client, entre 0% et 10% du portefeuille. Mais quel que soit le type de clientèle, il y a actuellement une tendance à une augmentation de l’immobilier.

On dit en effet que l’immobilier remplace aujourd’hui l’obligataire.

Effectivement, alors que les rendements obligataires sont à zéro, voire parfois négatifs, l’immobilier devient une source importante de rendement stable pour nos clients.

 

N’est-ce pas oublier que la valeur de l’immobilier peut aussi baisser ? C’est déjà arrivé ces dernières années.

Certes, on pourrait estimer que les prix de l’immobilier sont aujourd’hui trop élevés, en particulier dans certains pays comme la 

Suisse, et qu’une bulle est en train de se former. Mais il faut analyser ça dans le contexte actuel. Si on regarde une crise comme celle du Covid-19, et la masse énorme de liquidités qui ont été injectées sur le marché, beaucoup de gens estiment que cela va générer à moyen terme un retour de l’inflation. Et dans ce cas, on serait mieux protégé avec un portefeuille immobilier qu'avec un portefeuille obligataire.

 

Quelles sont vos craintes pour l’immobilier ?

Mes craintes, à moyen terme, la valorisation, qui est quand même assez élevée. Dans les grandes villes suisses, beaucoup de nouveaux immeubles arrivent sur le marché, entraînant une offre qui va être supérieure à la croissance de la population. On s’attend donc à une correction à ce niveau.

 

Et vos espoirs ?

À moyen terme, je vois quand même d’extraordinaires d’opportunité pour l’immobilier. Je crois que la grande révolution des années à venir, dans les 5 à 10 ans, ça va être le développement de la blockchain. Elle va permettre une titrisation de beaucoup d’actifs privés, y compris l’immobilier. Prenons un exemple : en tant que privé, vous possédez un immeuble, bien placé, à Genève. Aujourd’hui, si vous voulez de nouveaux capitaux, vous n’avez que la banque comme solution, vous ne pouvez pas vendre facilement des parts de votre immeuble.

 

Et, de toute manière, à qui les vendre, et comment convaincre les potentiels investisseurs ?

Tout à fait. Grâce à la technique du blockchain, vous pourriez émettre 100 tokens, qui correspondraient à des titres de propriété de l’immeuble. Vous pourriez ensuite mettre en vente une partie de ces tokens, ce qui vous permettrait de conserver la propriété du bien, tout en ayant un apport de capitaux. Parallèlement, des institutions privées organiseraient un marché secondaire consacré à ce type d’actifs, le blockchain permettant d’assurer la transparence des transactions et éviter les fraudes. Bref, ce serait une manière simple, accessible à tous, de transformer de l’immobilier direct en immobilier indirect. À noter que ça peut être un immeuble, mais aussi tout autre type d’actif. Un jet privé ou un bateau, par exemple.

 

Olivier Toublan pour Immoday