La logistique, toujours l'Eldorado immobilier ?

29/09/2022

Immoday

Olivier Toublan

4 min

 

Avec une demande en croissance constante, essentiellement à cause du commerce en ligne, et une offre qui n'arrive pas à suivre, l'immobilier logistique semble être une bonne opportunité d'investissement. Il semblerait seulement, car le marché est devenu plus étroit, les prix ont grimpé et les rendements ont baissé.

 

On le sait, la pandémie a dopé le commerce en ligne. Ce qui a eu un impact important sur les surfaces de vente traditionnelles, sous pression. Ce qui, a contrario, a fait exploser la demande de surfaces logistiques, de plus en plus d'envois devant être acheminés de plus en plus rapidement vers le client final.
 

Dans ce contexte, l'immobilier logistique a commencé à sérieusement intéresser les investisseurs, à la recherche d'objets plus rentables que des immeubles locatifs dans le centre des grandes villes suisses. Mais l’immobilier logistique est-il vraiment l'Eldorado que certains promettent? Le filiale suisse de JLL, une entreprise de conseil immobilier, vient de publier une très intéressante étude sur le sujet, dont voici un résumé.

 

Doublement des dépenses en ligne en huit ans 
 

Commençons par quelques chiffres. Les dépenses en ligne des consommateurs ont augmenté de 9,9 %, soit 1,3 milliard de francs suisses, en 2021. Elles s'élèvent désormais à 14,4, milliards de francs et ont plus que doublé en 8 ans.
 

Petite surprise, ces trois dernières années, l'augmentation est quasi exclusivement imputable aux achats en ligne domestiques. Ils ont enregistré une croissance de près de 50% entre 2019 et 2021, tandis que les achats en ligne transfrontaliers stagnent depuis 2019, à un peu plus de 2 milliards de francs.
 

Ces chiffres sont confirmés par les statistiques publiées par La Poste, qui a livré un nombre record de 202 millions de colis l'année dernière. Le boom des achats en ligne pendant la crise du coronavirus a fait grimper le volume total des colis en 2021 de 36,6 % par rapport à 2019, ont calculé les experts de JLL. Un volume qui a, lui aussi, presque doublé en huit ans, comme les dépenses en ligne des consommateurs.

 

L'offre n'est pas suffisante 

 

Mécaniquement, face à cette hausse du commerce en ligne, les besoins en immobilier logistique augmentent. D'autant plus, comme l'explique l'étude de JLL, dirigée par Daniel Stocker, Head of Research, que "le commerce en ligne, de par la nature de son offre, a besoin d'un espace d'entreposage beaucoup plus important que le commerce de détail traditionnel". Sans oublier que les consommateurs s'attendent à des délais de livraison rapides, "ce qui entraîne une forte demande de surfaces à proximité des grands centres urbains et des principaux axes de transport."
 

Autre preuve de la hausse de la demande, le taux de vacance baisse, selon JLL. Pour les immeubles de placement, il a diminué de 7,7 % à 6,0 % entre 2019 et 2021.

 

Pas facile de construire de nouveaux entrepôts 

 

Cette hausse de la demande a d'ailleurs a entraîné des investissements importants, qui dépassent, selon nos estimations, les 20 milliards de francs depuis 2010. Pourtant, l'offre ne suit toujours pas, assure JLL. "D'une part, il n'y a pas assez de surfaces disponibles et, d'autre part, les bâtiments ont en moyenne une trentaine d'années et ne répondent souvent plus aux normes les plus récentes."
 

En théorie, il suffirait de construire de nouveaux centres, plus modernes. Mais les difficultés sont nombreuses. Comme l'explique JLL, il n'y a pratiquement plus de grands terrains constructibles à grande échelle disponibles à proximité des points d'accès aux autoroutes et des agglomérations. Avec comme conséquence que les entreprises devront se tourner vers des régions périphériques, même si ce n'est pas optimal (aujourd'hui, selon JLL, la densité des bâtiments logistiques est la plus élevée le long de l'autoroute A1 et autour des grandes agglomérations urbaines).

 

Un marché très étroit en Suisse 

 

Au vu de ce qui précède, toutes les conditions sont donc réunies pour que l'immobilier logistique soit un nouvel Eldorado pour les investisseurs à la recherche de rendements décents. Eh bien non! C'est que les objets à vendre sont rares, les investisseurs intéressés nombreux et que les prix ont grimpé en conséquence.
 

"La liquidité du marché est plutôt étroite", reconnaît JLL. Même si l'on constate, dernièrement, une légère augmentation, ces cinq dernières années on n'enregistre finalement qu'une vingtaine d'opérations par an. Pour des montants globaux somme toute maigres, en moyenne de 500 millions de francs par an entre 2017 et 2021, selon les chiffres publiés dans l'étude.

 

Une rentabilité en baisse 
 

Surtout, la rentabilité des ces investissements en immobilier logistique est en baisse. " Le rendement des meilleurs emplacements se situe entre 3,5 % et 4,0 % pour les propriétés logistiques modernes avec des locataires établis sur de longs baux," calcule JLL, qui ajoute que ce rendement "a baissé d'environ 40 points de base au cours des deux dernières années".
 

D'ailleurs, un sondage de JLL auprès des investisseurs immobiliers le montre: "après l'engouement de 2021, les propriétés logistiques sont jugées moins attrayantes aujourd'hui". En effet, en 2021, 63% des investisseurs pensait que la logistique était l'actif immobilier suisse qui devrait offrir le rapport risque/rendement le plus intéressant. Ils ne sont plus que 28% cette année. "Cela peut s'expliquer par les rendements de transaction extrêmement faibles observés ces derniers temps, qui ne présentent plus un rapport risque/rendement satisfaisant pour certains investisseurs", conclut l'étude de JLL.

Olivier Toublan, Immoday