80. Schweizer Immobiliengespräch

20/10/2020

Mathias Rinka

Immobilien Business

6 min

Les investissements immobiliers traditionnels sur le grill

 

Retour sur la 80ème édition des « Schweizer Immobiliengespräch » qui s’est déroulée le 15 septembre au restaurant Metropol de Zurich, en présence d’un nombre limité de participants en raison de la pandémie de Coronavirus. John Davidson, de la Haute École de Lucerne animait le débat sur le thème des investissements immobiliers.

 

Est-ce vraiment un cycle sans fin ?


Telle est la question posée en préambule de la 80e édition des « Schweizer Immobiliengespräch » au Metropol de Zurich par Fredy Hasenmaile, responsable du département Swiss Real Estate Economics du Crédit Suisse. Et ce dernier de répondre qu’on ne saurait en être vraiment sûr, mais qu’il semble clair que nous allons conserver des taux d'intérêt bas pendant un certain temps encore. Cela détermine, entre autres, s'il convient ou non de réajuster sa stratégie actuelle d'investissement immobilier. "Ni la crise financière ni celle du Coronavirus ne semblent pouvoir arrêter le cycle", a-t-il poursuivi. Les divers indices continuent en effet à montrer un niveau de prix stable... La pandémie n'aurait-elle donc laissé aucune trace ?
 

"Pas du tout ! Nous constatons une forte pression en particulier dans les catégories des bureaux et des hôtels ", a expliqué M. Hasenmaile. Le confinement et une pandémie qui se prolonge entraîneraient des changements significatifs sur ces deux segments qui sont passés très rapidement d’une phase d’expansion à un fort ralentissement. Selon lui, il convient en outre désormais de faire la distinction entre les hôtels de ville et de montagne dans le secteur de l'hébergement. Les hôtels de montagne s’en sortent mieux, notamment parce qu’ils ont pu compenser la perte d'activité avec les clients étrangers en accueillant des touristes nationaux. Le tourisme d'affaires, en revanche, mettra probablement des années à se remettre des conséquences de la Covid-19. Dans le même temps, Hasemmaile estime que certains segments immobiliers spéciaux qui étaient encore en expansion en début d'année (comme la logistique, les datacenters et, dans une certaine mesure, les biens liés à la santé et aux soins, ainsi que les sites industriels) entrent maintenant dans une phase plus calme.
 

Un coup d’œil sur la performance des produits d’investissements immobiliers suisse cotés révèle un tableau différencié : Alors que les pertes enregistrées par les fonds résidentiels pendant la période de correction entre mi-février et mi-mars ont déjà été compensées, ce qui vaut par exemple aussi pour le SPI, on attend encore un début de reprise pour les sociétés immobilières qui ont subi une perte moyenne supérieure à 20%. La situation est similaire pour les fonds immobiliers commerciaux dont seulement un quart de la baisse de presque 20% a pu être rattrapé au cours des six derniers mois.
 

Et Fredy Hasenmaile de mettre en avant une autre tendance de la Covid-19 : L'importance du logement s'est accrue. La demande est en augmentation pour des appartements plus grands, avec éventuellement une pièce supplémentaire pour travailler et des espaces extérieurs tels que balcons, terrasses et jardins (en commun) … à une distance raisonnable du lieu de travail, pour y aller en vélo. Les lieux d'habitation périphériques deviendraient également plus attrayants. Selon lui, la tendance à l'urbanisation qui prévalait jusqu'à présent pourrait bien s'affaiblir sans pour autant connaître une totale inversion. Il est maintenant nécessaire de se concentrer sur les régions ayant un potentiel de croissance et de bien analyser les taux de vacances. Il faudra chercher à développer certaines niches dont les perspectives de croissance sont intactes. La pression pour investir dans des immeubles de placement sur le segment résidentiel a encore augmenté et il convient donc de privilégier le développement de projets à haut rendement. En ce qui concerne les ventes de propriétés, il y aura des ajustements de portefeuille en de nombreux endroits mais il est encore trop tôt pour les achats d'opportunité.

 

« Survival of the fittest » dans le segment du retail


Roger Hennig de Schroders Real Estate a ensuite placé la réflexion dans une perspective européenne. La comparaison de nombreuses zones économiques nationales montre que l'évolution vers une reprise en forme de V ou de U est déjà en cours. Selon lui, lezurich-264807.jpgs prévisions de croissance du PIB pour les années à venir (jusqu'en 2024) placent en tête les pays scandinaves (Danemark, Norvège et Suède), mais aussi l'Autriche et le Royaume-Uni, suivis par la Suisse. On prévoit pour ces régions des taux de croissance annuels moyens du PIB entre 1,3 et 1,5 %. En général, nous dit Hennig, on constate une croissance plus robuste dans les économies urbaines, telles que Copenhague, Stockholm et Oslo, par rapport à la tendance nationale. On retrouve ceci également en Suisse, mais de manière plus modérée, avec les grandes villes de Genève et Zurich. Ainsi, Berlin et Munich en Allemagne, la région de Milan en Italie et celle de Malaga en Espagne sont nettement plus performants.
 

Sur les marchés européens de l'immobilier de bureau (à l'exception du Royaume-Uni), on s'attend à une augmentation du taux de vacance en 2020 et 2021 qui devrait ensuite se stabiliser aux environs de 7 ou 8%. Puis on devrait assister à une absorption nette des surfaces de bureau en Europe continentale entre 2022 et 2024 pour retrouver un niveau légèrement inférieur à 1% des surfaces disponibles. Cette année pour la première fois en onze ans, il y aura une absorption nette négative sur les marchés, prévoit Hennig. L'impact du télétravail sur la demande d'espace de bureau devrait cependant rester assez faible. Les titres qui annonçaient la mort du bureau étaient trop pessimistes. La crise du Coronavirus a démontré l'importance du bureau pour l'échange d'informations entre les personnes. En outre, les gens préféreraient une séparation nette entre leur lieu de travail et leur domicile. "Le bureau restera à l'avenir un point central de communication et de coopération entre les employés" prédit M. Hennig. De manière générale, l’emplacement, l'accessibilité et la qualité des équipements continueront à gagner en importance. Et le travail à domicile sera, quand à lui, beaucoup mieux accepté.

 

Le segment retail devrait continuer à croître, tout particulièrement dans le commerce en ligne. Le commerce de détail qui a enregistré une forte baisse cette année, entre 10 et 15%, se redressera en 2021, mais avec des taux de croissance qui oscilleront seulement entre 5 et 10%. Au cours des années suivantes, il faut à nouveau s’attendre à une diminution des ventes dans les commerces locaux. En revanche, le commerce en ligne continuera à se développer pour atteindre d'ici 2024 une part de marché supérieure à 10 % dans de nombreux pays européens (Italie, Portugal et Espagne), voire même supérieure à 20 % (Suède, Autriche, Allemagne, Danemark et Pays-Bas). Le Royaume-Uni continuera à montrer la voie avec plus d'un quart de tous les achats de détail en 2024 susceptibles d'être effectués en ligne.
 

"En matière de retail, la pandémie conduit à une polarisation accélérée" a expliqué M. Hennig. Le secteur de la distribution non alimentaire a été particulièrement touché, comme en témoignent des taux de pertes sur loyers ou de reports plus élevés. Dans ce sous-segment du commerce de détail, les marques du segment moyen de gamme en particulier qui étaient déjà sous pression financière avant le virus, ne survivraient probablement pas malgré l'aide gouvernementale. Il anticipe une "survie du plus fort". La polarisation concernera également les emplacements (1A vs emplacement secondaire) et les formats (centres commerciaux vs magasins spécialisés et supermarchés). Dans l'ensemble, il faut s'attendre à une augmentation des taux de vacance et à une nouvelle pression à la baisse sur les loyers. La classe d'actifs logistiques, elle, sera soutenue par le commerce de détail en ligne. Même si des développements spéculatifs de nouvelles constructions pourraient entraîner une hausse des vacances à court terme et assombrir les perspectives d'augmentation des loyers. Aujourd’hui, les rendements initiaux de produits de pure logistique sont retombés sous la barre des 4% dans de nombreuses villes européennes.
 

Réduire le taux de vacance des surfaces commerciales devient plus difficile


Dans l'exposé suivant, Axel Schärer a présenté la stratégie actuelle de la Fondation d’investissement Profond. L'objectif de répartition des ivan-xvCXgopmAgI-unsplash.jpgactifs en termes de biens immobiliers est de 28 %. Fin juin 2020, cette part était déjà de 26,5 %. Un bon sept dixièmes de ce montant est constitué d'investissements directs (via la fondation d'investissement), les quelques 30 % restants sont des investissements immobiliers indirects. La Caisse de Pension Profond, avec plus de 50 000 assurés, gère actuellement un capital de plus de CHF 9 milliards. Outre la partie immobilière, la répartition stratégique des investissements comprend environ 20 % d'actions suisses, près de 29 % d'actions étrangères, 12,6 % d'obligations (francs suisses et devises étrangères) ainsi que des placements alternatifs à 3,7 %. Le taux d'intérêt moyen sur les avoirs de retraite s'élevait récemment à 4 %. La performance de Profond atteint un rendement moyen de 5%. Elle n’a été négative qu’en 2018, 2011, 2002, 2001 et 1994.
 

La Fondation d'investissement a commencé son travail en 2016 et investit principalement dans des biens immobiliers en Suisse, en Allemagne et en Autriche. Les 168 immeubles résidentiels, commerciaux et logistiques ont une valeur marchande de 2,1 milliards de francs suisses. La Fondation est une entité juridiquement indépendante, entièrement détenue par l’institution de prévoyance Profond. Les bâtiments sont répartis entre les groupes d'investissement Immobilier Suisse et Immobilier Allemagne/Autriche. Avec environ CHF 1,6 milliard de biens immobiliers nationaux et 495 millions d'euros de biens immobiliers situés dans les deux autres pays germanophones. Le portefeuille national se compose de 51 % de logements, 22 % de commerces de détail, 17 % d’industriel et 10 % de bureaux. Le portefeuille immobilier étranger, en revanche, est beaucoup plus exposé avec 60% investis dans les catégories retail et bureaux.
 

M. Schärer privilégie les zones qui enregistrent une croissance de population, en Suisse romande et Suisse alémanique, dans les villes de grande et moyenne importance et les agglomérations qui leur sont rattachées. "Dans le segment résidentiel, nous préférons des objets bien pensés et pratiques, avec des surfaces pas trop grandes. Les tickets d'investissement devraient être de l'ordre de 10 à 75 millions de francs par bien. Dans certains cas exceptionnels, la limite inférieure pourrait descendre à 5 millions et la limite supérieure s’élever à 100 millions. Selon M. Schärer, et du fait de la Covid-19, la stratégie d'investissement de Profond prévoit de se concentrer sur les propriétés résidentielles et de réduire considérablement la part des biens commerciaux. Pour les bureaux, l'accent sera encore plus fort sur la qualité de la micro-localisation. Pour tous les emplacements commerciaux, une situation centrale et exclusive est désormais beaucoup plus importante. Et la solvabilité des locataires est devenue un critère prépondérant.

 

Jusqu'à présent, le nombre de logements vacants dans le portefeuille immobilier de Profond n'a pas augmenté de manière significative, quelle que soit leur utilisation, a déclaré Alex Schärer. Mais la réduction des taux de vacance devient plus difficile, surtout pour les surfaces commerciales. Par ailleurs, les discussions avec les grands locataires commerciaux se sont évidemment intensifiées en raison de la pandémie. La perte de revenus annualisée due au coronavirus devrait être inférieure à 2,7 %. Reste cependant encore à voir comment la loi Covid impactera la réduction des loyers. La réduction de rendement des flux de trésorerie prévue à cause du virus restera probablement sous les 20 points de base. L'effet sur le rendement reste incertain. "Dans l'état actuel des choses, nous nous attendons à tendre vers un résultat nul d'ici la fin de l'année", a déclaré M. Schärer.

Mathias Rinka