COPTIS - Newsletter 3, Mai 2021 - Fiscalité immobilière

20/05/2021

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Pratique des droits de mutation en Suisse

 

Les droits de mutation relèvent de la compétence des cantons suisses. Ce manque d’harmonisation entraîne une certaine insécurité juridique pour les gérants de fonds quant au régime fiscal des transferts de biens immobiliers entre les portefeuilles collectifs qu’ils gèrent.

 

Selon la loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux du 23 juin 2006, les fonds immobiliers peuvent être constitués notamment sous la forme de fonds de placement contractuels (portefeuilles collectifs). Ils sont fondés sur un contrat de fonds de placement par lequel le gérant de fonds s’engage à faire participer les investisseurs au portefeuille collectif et à gérer la fortune de façon indépendante et en son nom propre ainsi que pour le compte des investisseurs. Les parts de fonds représentent une créance des investisseurs envers le gérant de fonds sous la forme d’une participation à la fortune et au revenu du portefeuille collectif.

 

Les investisseurs ne deviennent pas copropriétaires. Du point de vue du droit civil, le propriétaire des biens immobiliers est le gérant du fonds. Les immeubles sont inscrits à son nom au registre foncier avec une mention indiquant qu’ils appartiennent au portefeuille collectif.

 

Transfert de biens immobiliers entre portefeuilles collectifs
 

Afin d’adapter la gamme de fonds à l’évolution des conditions d’investissement dans l’intérêt des investisseurs, il peut être opportun de transférer des biens immobiliers entre portefeuilles collectifs ou de changer de gérant de fonds. Pour cette dernière transaction, le législateur prévoit la possibilité de transférer les portefeuilles collectifs à un autre gérant de fonds sur la base d’un contrat de transfert. Si le gérant du fonds repreneur conclut le contrat de fonds de placement, les créances et la propriété des biens et des droits appartenant au portefeuille collectif (en particulier les biens immobiliers) sont transférés de plein droit au gérant du fonds repreneur.

Les droits de mutation cantonaux ne sont en principe pas harmonisés au niveau fédéral et constituent de ce fait un droit purement cantonal. Celui-ci couvre régulièrement non seulement le transfert de propriété au sens du droit civil, mais également les actes juridiques qui permettent à un tiers de disposer de l’immeuble « comme un propriétaire » (transfert économique). Toutefois, le droit cantonal peut reposer sur une vision strictement civile, même dans le cadre de transferts économiques. Lorsqu’un bien immobilier est transféré entre portefeuilles collectifs d’un même gérant de

fonds, il n’y a en pratique aucun transfert de propriété au sens du droit civil. Or c’est le cas lorsqu’il y a un changement de gérant de fonds. En règle générale, les droits de mutation sont perçus sur le prix d’achat. Dans le cas d’un changement de gérant de fonds, il n’y a pas d’« aliénation » au sens propre du terme, de sorte qu’aucun prix d’achat n’est convenu. Dans ce cas, le régime fiscal des droits de mutation se fonde sur la valeur vénale du bien immobilier ou sur sa valeur officielle.

 

Transfert de propriété au sens du droit civil contre transfert économique

 

Le Tribunal cantonal du canton de Vaud a dû statuer sur la question des droits de mutation en cas de transfert d’un bien immobilier entre deux portefeuilles collectifs d’un même gérant de fonds. Le fonds cédant « cédait » des biens immobiliers à une valeur vénale d’environ 33,5 millions de francs suisses au fonds repreneur et devait ensuite être liquidé.

L’administration cantonale des impôts du canton de Vaud a considéré qu’il s’agissait d’une opération d’acquisition imposable et a donc perçu un droit de mutation de 3,3% sur la valeur vénale du bien immobilier transféré. Le gérant de fonds concerné a fait valoir qu’il ne s’agissait pas d’une « situation d’aliénation », car les portefeuilles collectifs ne constituent pas des sujets imposables en matière de droits de mutation, et ce en raison de leur absence de personnalité juridique.

Il était par ailleurs soutenu que le bien immobilier continuait de toute façon à appartenir au même gérant de fonds du point de vue du droit civil. Toutefois, en raison des rapports entre le gérant de fonds et le portefeuille collectif (relation quasifiduciaire), et au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle les biens immobiliers sont dans une large mesure attribuables au portefeuille collectif et non au gérant de fonds du point de vue civil et fiscal, le Tribunal cantonal du canton de Vaud adopte une approche économique et conclut que le transfert des biens immobiliers (indépendamment de la propriété au plan civil) constitue un transfert économique imposable. Dans le même temps, l’administration cantonale des impôts du canton de Vaud a récemment modifié sa pratique et admet désormais de ne plus soumettre le changement de gérant de fonds (transfert de propriété selon le droit civil) aux droits de mutation.

 

Conclusion

 

En raison des différences d’interprétation entre les cantons, qui considèrent la situation tantôt d’un point de vue purement économique, tantôt d’un point de vue strictement civil, il est recommandé en cas de restructuration que les gérants de fonds obtiennent des clarifications à l’avance au moyen de rulings fiscaux.


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