PwC - Immospective novembre 2022

22/11/2022

PWC

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18 novembre 2022

 

Le marché immobilier suisse connaît toujours des turbulences liées aux événements géopolitiques et économiques mondiaux. Par rapport au trimestre précédent, des signes de normalisation se font toutefois sentir dans certains domaines.

Les effets des difficultés d’approvisionnement et du renchérissement des matières premières provoqués par la politique zéro Covid en Chine et la guerre en Ukraine semblent avoir atteint leur point culminant. La forte croissance des économies occidentales amorcée après la sortie de la pandémie de coronavirus s’est certes ralentie, mais elle résiste encore aux nouveaux défis liés à l’inflation et à l’augmentation des taux d’intérêt.

L’économie suisse est toujours caractérisée par une pénurie de main-d’œuvre et un faible taux de chômage, ainsi que par une immigration nette élevée. Ces évolutions opposées ont eu des effets différents. Alors que les prix des logements en propriété ont continué d'augmenter par rapport au trimestre précédent, l'évolution des valeurs de marché des immeubles collectifs et des bureaux a stagné.
 

L’évolution économique en Suisse reste robuste

 

Le contexte économique ne laissait pas présager d’évolution positive, en particulier au premier semestre de l’année. Les effets de la crise du coronavirus se sont atténués, mais ont immédiatement cédé la place à ceux de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique qui s’en est suivie. Les lourdes sanctions prises à l’encontre de la Russie ainsi que la poursuite de la politique zéro Covid en Chine ont en outre provoqué de fortes perturbations dans les chaînes d’approvisionnement1. La hausse rapide des prix des matières premières et donc de l’énergie est notamment à l’origine de la vague d’inflation que certains observateurs du marché attendaient depuis quelques années déjà, compte tenu de la phase sans précédent de politique monétaire extrêmement accommodante depuis la crise financière, notamment pendant la pandémie.
 

Alors que l’inflation reste élevée à l’étranger, la situation en Suisse s’avère une fois de plus robuste. L’inflation a atteint son niveau le plus élevé jusqu’à présent au deuxième trimestre, avec un taux de 3,5 %. La BNS prévoit une inflation de 3 % en 2022 et de 2,4 % en 2023. Selon ses prévisions, l’inflation devrait revenir dans la fourchette de 0-2 % en 2024 avec un taux de 1,7 %2. Les experts prévoient une croissance du PIB de 2,2 % cette année, contre seulement 0,7 % en 2023. Dans la zone euro, la croissance du PIB est estimée à 2,9 % et 0,2 % respectivement en 2022 et 2023, avec une inflation prévue à 8,2 % et 5,4 %. Aux États-Unis, les experts prévoient une croissance économique de 1,7 % en 2022 et de 0,5 % en 2023. Le taux d’inflation escompté s’élève à 8,0 % et 3,8 % respectivement3.


Faiblesse persistante des activités de construction et normalisation de l’évolution des coûts

 

Au cours du trimestre précédent, l’indice des coûts de production a montré des signes clairs d’un renversement de la forte tendance à la hausse des prix observée durant les trois derniers trimestres. Au dernier trimestre, les segments de la construction en maçonnerie et en béton pour les immeubles résidentiels locatifs (-2,5 %) et les maisons individuelles (-2,8 %) ainsi que le secteur de la construction commerciale et industrielle (-5,8 %) ont tous affiché des baisses de prix. Sur les douze derniers mois, on constate toutefois toujours des variations de +4,8 %, +4,8 % et +5,8 %. L’indice des prix de la construction, qui suit l’indice des coûts de production, affiche toujours des hausses élevées au troisième trimestre, de 5,6 % pour les immeubles de bureaux et de 4,9 % pour les immeubles résidentiels locatifs. En comparaison avec l’année précédente, les coûts de construction ont augmenté respectivement de 8,7 % et de 8,1 %. Après une évolution négative du volume d’investissement pour l’année en cours (-2,1 %), les prévisions pour l’activité de construction dans les prochaines années prévoient des variations positives de 0,7 % et 1,4 % pour les deux années à venir.
 

Les prix des logements locatifs suivent une évolution constante

 

L’évolution des loyers d’habitation montre une légère tendance à la baisse par rapport au trimestre précédent (-0,7 %). Sur les douze derniers mois, l’indice des loyers d’habitation reste toutefois en hausse de 1,3 %. Les logements anciens (+2,4 %) ont augmenté plus fortement que les logements neufs (+0,4 %). Ces changements s’inscrivent dans la continuité de l’évolution constante des cinq dernières années, au cours desquelles les prix des logements locatifs n’ont pas subi de variations importantes au niveau national4. Les indices ont toutefois connu des évolutions différentes selon les régions. La région de Zurich n’a pas enregistré de changement par rapport au trimestre précédent (variation par rapport à l’année précédente : +3,0 %), alors que dans les régions du lac Léman, du Mittelland et de Bâle, les loyers des logements ont diminué de -1,3 % (+2,3 %), -1,3 % (+0,6 %) et -1,4 % (-3,2 %) respectivement. Les loyers en Suisse orientale ont également baissé, enregistrant un recul de -0,9 % (+1,6 %). La région du Jura a enregistré la plus forte baisse, avec -3,6 % (-2,8 %), alors que l’espace alpin et la Suisse méridionale ont au contraire enregistré une croissance, avec respectivement +1,3 % (0,0 %) et +3,3 % (+1,6 %).
 

La diminution du nombre de logements vacants s’est encore accentuée au cours du dernier trimestre. Au cours du premier semestre 2022, le taux de logements vacants est passé de 1,54 % à 1,31 %. Les raisons de cette évolution tiennent au fait que les activités de construction continuent de reculer, que la demande augmente parallèlement à la croissance économique et que l’immigration nette reste élevée5.
 

L’activité de construction de logements locatifs a déjà dépassé son zénith en 2018 et la flambée des coûts de construction de cette année n’a pas influé positivement, comme on pouvait s’y attendre. Au cours des douze derniers mois, environ 23 000 unités locatives ont fait l’objet d’un permis de construire dans l’ensemble du pays, ce qui correspond à un plus bas de dix ans6. Cette évolution entraînera très probablement une pression accrue sur les prix des loyers. La majorité des observateurs du marché prévoient une hausse croissante des prix des logements locatifs pour les douze prochains mois.
 

De plus, en raison de l’augmentation du taux directeur de -0,75 % à +0,50 % survenue en deux étapes dans le courant de l’année, le taux d’intérêt de référence pour les logements locatifs devrait augmenter à court et moyen terme. Les pronostics concernant le moment de la hausse ont varié en fonction de la dynamique globale et nationale en matière de politique monétaire au cours du dernier trimestre. Swiss Life prévoyait en août une hausse du taux de référence à la mi-2024 avec un taux directeur de -0,25 %7. Après la nouvelle hausse des taux de 75 points de base en septembre, cette prévision a déjà été corrigée pour 20238. Les experts de ZKB anticipent un passage de 1,25 % à 1,50 % dès le premier trimestre de l’année prochaine. Au total, une hausse continue de 25 points de base par an est attendue au cours des cinq années suivantes9.
 

La situation centrale est de plus en plus importante pour les surfaces de bureaux

 

Après une forte augmentation des loyers des surfaces de bureaux au cours des trois derniers trimestres, ceux-ci ont légèrement baissé dans toute la Suisse au cours du dernier trimestre (-0,3 %). On observe toutefois de nettes différences entre les régions. Alors que dans la région lémanique, la forte croissance enregistrée depuis la crise du coronavirus s’est poursuivie à un rythme de +4,2 % et que la croissance annuelle a même atteint +15,5 %, la région de Zurich a enregistré une baisse des loyers des surfaces de bureaux de -2,2 % et une croissance annuelle de +8,8 %. Les prévisions pour l’ensemble de la Suisse restent prudentes en ce qui concerne l’évolution des loyers de bureaux. Une majorité des personnes interrogées s’attend à une réduction des loyers de bureaux, même si l’on constate déjà un sentiment moins négatif que lors des quatre trimestres précédents10. Les observateurs du marché s’attendent en outre à ce que la demande de surfaces de bureaux augmente, en particulier dans les meilleurs emplacements des centres des grandes villes. L’écart entre les meilleurs emplacements et la périphérie devrait s’accentuer11.
 

Un indicateur important pour le marché des surfaces de bureaux est la situation sur le marché du travail12. L’indicateur de l’emploi du KOF montre les tendances des entreprises en matière de recrutement. Par le passé, il s'est souvent avéré être un précurseur de l’évolution du marché du travail11. Après avoir atteint, aux premier et deuxième trimestres 2022, un pic dans les intentions de recrutement des entreprises, respectivement dans les postes à pourvoir, depuis le début de l’enregistrement des données en 1997, il semble que nous ayons provisoirement atteint le point culminant. En 2023, le chômage devrait ainsi légèrement augmenter, passant de +2,2 % à +2,3 %, tout en restant à un niveau historiquement bas13.
 

Bien que la demande de surfaces de bureaux devrait continuer à augmenter compte tenu des stratégies de recrutement des entreprises axées sur la croissance, les activités de construction dans le secteur des bureaux restent faibles. En 2021, les permis de construire accordés représentent un volume d’investissement de seulement CHF 1,6 milliard. Cette année, ce montant devrait s’élever à environ CHF 1,8 milliard, ce qui est toujours nettement inférieur à la moyenne historique depuis 1995, qui est d’environ CHF 2,2 milliards14. Cette évolution est susceptible d’exercer une pression sur les loyers des bureaux.
 

Le retournement de tendance des exigences de rendement dans le secteur du logement se poursuit

 

Après avoir observé au deuxième trimestre le retournement de tendance attendu en matière de rendement escompté en raison du revirement des taux d’intérêt, les taux d’escompte minimaux ont également augmenté au troisième trimestre. Selon les principales sociétés d’évaluation, ils sont passés de 1,77 % au trimestre précédent à 1,86 % actuellement (net, réel) pour les immeubles résidentiels locatifs situés dans les meilleurs quartiers. En lien notamment avec l’évolution des taux d’escompte minimaux, les valeurs de marché ont diminué de -1,9 % par rapport au trimestre précédent. Au cours des douze derniers mois, le taux de variation des valeurs de marché se maintient toutefois à +1,5 %. Le rendement total pour les immeubles résidentiels locatifs s’élève à 6,7 % en 2022 (YTD). Par rapport à l’année précédente, cela correspondrait à une augmentation de 1,2 % du rendement total. Cette hausse du rendement se doit exclusivement aux revenus liés à la variation de la valeur, qui s’élèvent à 3,8 % en 2022 (YTD) (2,6 % en 2021). Le rendement du cash-flow est de 2,9 % en 2022 (YTD) (3,0 % en 2021)15. Au niveau régional, c’est surtout la région de Zurich qui affiche une forte évolution avec un rendement total de 8 % en 2022 (YTD) (6,8 % en 2021). La région lémanique et le Mittelland affichent également de fortes hausses avec respectivement 6,8 % (4,9 % en 2021) et 6,0 % (4,6 % en 2021). La Suisse méridionale avec 3,7 % (2,8 % en 2021) et l’espace alpin avec 3,6 % (3,4 % en 2021) enregistrent une évolution moins importante.
 

Dans le secteur commercial, les rendements des bureaux ont connu une forte évolution au cours du dernier trimestre. Pour l’année en cours (YTD), le rendement total atteint 13,4 % (6,7 % en 2021). Il se compose de 3,6 % (3,6 % en 2021) de rendement du cash-flow et de 9,7 % (3,1 % en 2021) de revenus liés à l’évolution de la valeur. Au troisième trimestre de 2022, les valeurs de marché ont connu une légère baisse de -1,3 %. Sur les douze derniers mois, on constate toutefois une croissance de 12,2 %. Sans surprise, les moteurs économiques que sont la région lémanique et Zurich sont en tête avec respectivement 16,5 % (2021 : 2,0 %) et 14,8 % (2021 : 11,2 %). La région de Bâle a connu une plus faible croissance avec 6,2 % en 2022 (YTD) (2021 : 2,1 %).
 

Les effets de la hausse des taux d’intérêt sur les prix des logements en propriété sont variables

 

Insensible à l’évolution des marchés réels et monétaires, le volume des hypothèques en Suisse a augmenté de manière constante une année de plus. En août 2022, le volume total des crédits hypothécaires s’élevait à CHF 1135,3 milliards, soit environ 4 % de plus que l’année précédente. Contrairement au volume des hypothèques, les taux d’intérêt hypothécaires ont été soumis à une forte dynamique au cours du dernier trimestre et ont nettement augmenté par rapport au trimestre précédent en raison du relèvement du taux directeur. Le taux d’une hypothèque à taux fixe sur trois ans est passé de 1,82 % à 2,46 %. Pour les hypothèques à taux fixe sur cinq et dix ans, on a enregistré des hausses de 1,99 % à 2,70 % et de 2,40 % à 3,08 %. Le taux SARON a lui aussi subi une forte hausse, passant de -0,20 % à 0,47 %. Le taux d’intérêt SARON et les hypothèques à taux fixe devraient légèrement augmenter au cours des douze prochains mois. Mais ces évolutions resteront probablement soumises à des fluctuations à la baisse comme à la hausse16.
 

Les évolutions sur le marché de la propriété du logement montrent une première réaction à l’augmentation des coûts de financement. Alors que l’indice des prix des maisons individuelles a augmenté de +5,5 % au cours des douze derniers mois, il n’a progressé que de +1,5 % par rapport au trimestre précédent. Un coup d’œil sur l’évolution des différents segments de prix permet de tirer des conclusions plus nuancées. Le segment inférieur du marché a connu la plus forte évolution d’une année sur l’autre, avec +6,2 %. Viennent ensuite les segments haut de gamme et moyen de gamme avec respectivement +5,8 % et +4,6 %. Par rapport au trimestre précédent, la hausse des prix des biens du segment supérieur (+2,3 %) a été nettement plus forte que celle des biens des segments moyen (+1,0 %) et inférieur (+0,3 %). Bien que la hausse des prix du segment haut de gamme soit également influencée par le ralentissement de la croissance, l’augmentation des coûts de financement semble avoir affecté, sans surprise et dans une plus grande mesure, les segments de prix moyen et bas. Les experts s’attendent à une dynamique des prix nettement plus faible dans les trimestres à venir que dans les trimestres qui ont suivi l’apparition de la pandémie de coronavirus, mais pas à une baisse des prix du fait de la très faible offre. Cette situation ne devrait se produire qu’en cas de hausse des taux d’intérêt à long terme et de recul de la demande17.
 

Dans le domaine des appartements en propriété, la dynamique est la même que pour les maisons individuelles, tous segments confondus. Si la hausse des prix est encore de +8,1 % par rapport à l’année précédente, elle n’est plus que de +2,2 % par rapport au trimestre précédent. L’évolution des différents segments se présente comme suit : contrairement au segment des maisons individuelles, le segment haut de gamme est également en tête en comparaison annuelle (+8,8 %) dans le secteur des appartements en propriété. Il est suivi par le segment moyen (+7,5 %) et le segment inférieur (+7,4 %). Par rapport au trimestre précédent, c’est le segment inférieur (+2,9 %), suivi du segment supérieur (+2,6 %) et du segment moyen (+1,6 %) [64], qui présente le plus grand changement. Ici aussi, aucune baisse de prix n’est prévue pour les prochains trimestres.
 

Alors qu’à court et moyen terme, seule une augmentation de l’activité de construction ou une réduction de l’immigration nette pourraient éventuellement réduire la dynamique des prix sur le marché de la propriété, à long terme, selon les économistes du Credit Suisse, la disparition de la génération du baby-boom devrait alléger sensiblement la pression. Entre 2030 et 2045, on estime que 420 000 maisons individuelles ou appartements en copropriété devraient ainsi se libérer pour les générations suivantes. Vers la fin de cette période en particulier, jusqu’à 50 000 logements par an devraient être mis sur le marché en plus des nouvelles constructions. Pour l’année en cours, où l’on prévoit environ 20 000 transactions dans le segment des maisons individuelles et 30 000 transactions dans le segment des appartements en PPE, cela correspondrait tout juste au volume de transactions attendu18.

 


  1. Immobilien Business, Starke Büromärkte / Oktober 2022
  2. SNB, Monetary policy assessment / September 2022
  3. Swiss Life Asset Managers, Perspektiven Konjunktur / Oktober 2022
  4. FPRE, Marktmieten- und Baulandindizes von Renditeimmobilien Schweiz (Datenstand: 30.09.2022)
  5. Credit Suisse, Resilienter Immobilienmarkt / September 2022
  6. Credit Suisse, Resilienter Immobilienmarkt / September 2022
  7. Swiss Life Asset Managers, Real Estate House View / August 2022
  8. Swiss Life Asset Managers, Real Assets Exposé / November 2022
  9. ZKB, Prognosen / Oktober 2022
  10. FPRE, Marktmieten- und Baulandindizes von Renditeimmobilien (Datenstand: 30.09.2022)
  11. Swiss Life Asset Managers, Real Estate House View / August 2022
  12. KOF, Beschäftigungsfaktor / November 2022
  13. KOF, Energiekrise belastet die Wirtschaft / Oktober 2022
  14. Credit Suisse, Resilienter Immobilienmarkt / September 2022
  15. FPRE, Marktindizes für Renditeimmobilien (Datenstand: 30.09.2022)
  16. Credit Suisse, Resilienter Immobilienmarkt/ September 2022
  17. Credit Suisse, Resilienter Immobilienmarkt/ September 2022
  18. Credit Suisse, Resilienter Immobilienmarkt/ September 2022
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