5 Minutes avec François Normand, fondateur et CEO de Viage SA

06/06/2023

Olivier Toublan

Immoday

5 Min

Pour l’entretien '5 minutes avec' d’aujourd’hui, nous accueillons François Normand, fondateur et CEO de Viage

 

'5 minutes avec' est une série d’interviews destinées à faire connaitre les acteurs de la titrisation immobilière en Suisse.

 

François Normand, présentez-vous en quelques mots.

 

J'ai 55 ans, je vis à Genève, et suis actuellement CEO de Viage SA, une entreprise que j'ai fondée en 2022, et qui vient de lancer le premier fonds de placement immobilier, Viager Swiss SCmPC en partenariat avec Gefiswiss. Comme son nom l'indique, ce fonds est basé sur les viagers. Auparavant, mon parcours professionnel s'est essentiellement effectué dans la prévoyance, d'abord dans le monde de l'assurance puis du conseil et du courtage.

 

Revenons au tout début de votre carrière. Quelle est votre formation ?

 

A la base, j'ai fait des études d’employé de commerce, à Neuchâtel. Je suis d'ailleurs un neuchâtelois pur souche. J'ai vécu plus de 30 ans dans le canton, avant de déménager à Genève, où j'habite actuellement. Au début de ma carrière professionnelle, j'ai effectué deux ans de formation dans le domaine des assurances de personnes, ce qui m'a permis d'aborder tous les sujets, de la fiscalité à la prévoyance, en passant par l'immobilier.

 

Pourquoi cet intérêt pour les assurances de personnes ?

 

Rien n'est plus important et intéressant qu'une personne. Pour arriver à l'assurer correctement, il faut comprendre son histoire, sa famille, ses besoins. Chaque cas est différent, et c'est toujours passionnant. Alors qu'assurer une voiture, par exemple, c'est nettement moins intéressant. Il suffit d'utiliser une tabelle.

 

Chez quel assureur avez-vous commencé votre carrière ?

 

D'abord chez Pax, à Bâle, au début des années 1990. J'y suis resté 6 ans. Ensuite, quand j'ai déménagé sur Genève, j'ai cherché un nouvel employeur, et ce fut la Winterthur. Qui a ensuite été rachetée par Axa, chez qui j'ai travaillé quelques années encore. Mais quand Axa a réorienté sa stratégie, nous avons décidé, avec quelques collègues, de lancer notre propre société de courtage indépendante, Optimum. C'était au milieu des années 2000. On travaillait avec toutes les compagnies d'assurance, et on allait chercher la meilleure offre pour nos clients.

 

C'est facile de devenir indépendant dans ce secteur ?

 

C'est un vrai défi, mais comme j'ai l'esprit entrepreneur, je voulais le relever. On acquiert une liberté très appréciable, mais, revers de la médaille, il y a la pression des résultats. On ne compte plus ses heures.

 

En 2010, vous quittez pourtant Optimum. C'est difficile de quitter une entreprise que l'on a co-fondée ?

 

J'ai beaucoup réfléchi avant de franchir le pas. D'autant plus que la société était devenue mature. Mais il y a dans la vie des opportunités qu'il ne faut pas manquer. En plus, j'aime les nouveaux défis. Alors, quand un banquier privé m'a contacté pour monter une structure avec lui - Gonet Conseils Finances -, j'ai accepté. Il voulait proposer des prestations supplémentaires à sa clientèle, en intégrant des services fiduciaires, des assurances et du financement hypothécaire. J'ai d'ailleurs commencé dans le domaine de la prévoyance et à l'élaboration de plans de retraite avant de me consacrer aux financements hypothécaires. C'est durant cette période que j'ai eu l'idée de lancer un fonds de placement immobilier basé sur les viagers.

 

Comment vous est venue l'idée ?

 

Je m'en souviens très bien, c'était il y a 8 ans. Je conseillais un couple de retraités, qui avait une belle maison mais de petites rentes. La banque leur a demandé le remboursement extraordinaire d'une partie de leur emprunt hypothécaire. Comme ils ne pouvaient pas payer la somme demandée, trop importante pour leurs revenus de retraités, ils ont été contraints de vendre leur maison. Je me suis demandé si on n'aurait pas pu trouver une solution moins traumatisante. Elle existait, c'était le viager. Mais, en Suisse, à l'époque, c'était uniquement un contrat de personne à personne, avec des risques importants pour les deux parties. Je me suis donc ensuite demandé comment améliorer ce contrat, ce qui m'a mené à l'idée du fonds Viager Swiss SCmPC. La rencontre avec Michel Rosselat, associé de Gefiswiss, a permis de concrétiser cette idée ensemble.

 

Et en quoi le contrat de viager est-il amélioré avec votre fonds?

 

Avec la création d'un fonds, on peut acquérir en viager plusieurs centaines de biens immobiliers différents, avec une bonne diversification, ce qui permet, pour l'investisseur, de limiter le risque de longévité, le plus important dans un viager. Quant au vendeur, le fait que nous soyons agréés par les autorités de surveillance apporte des garanties inédites. En outre, le prix d’achat de la maison est fixé par un expert immobilier indépendant et les rentes sont réassurées chez un assureur en suisse. Finalement, la qualité des investisseurs et une gouvernance adéquate garantissent une éthique et une déontologie en faveur des vendeurs de biens (créditrentier/usufruitier)

 

L'idée rencontre-t-elle l'intérêt des investisseurs?

 

Nous venons d'obtenir les autorisations pour lancer notre fonds. Les investisseurs avec qui nous discutons sont intéressés. Ça leur permet d'investir dans un segment immobilier encore quasiment vierge en Suisse, les propriétés individuelles, sans vacance, puisqu'elles sont toutes encore occupées, ce qui est le principe même du viager. C’est aussi un produit sociétal, ce qui est encore rare aujourd’hui. Ceci dit, nous estimons qu’il va nous falloir environ 6 mois pour lever les 100 millions de francs que nous nous sommes fixé comme objectif. De plus nous pouvons faire un bras de levier de 50 millions. Ce qui représente un parc immobilier de 200 millions si l’on compte le droit d’habitation.

 

Revenons un peu en arrière. Avant de fonder Viage SA, vous allez travailler deux ans pour une nouvelle entreprise, Lemania.

 

C'était une marque initiée par la banque Gonet, qui gérait des fondations dans le domaine de la prévoyance. On m'a demandé de la développer. Je l'ai fait en tant qu'indépendant, ce qui m'a permis de garder du temps pour mettre en place mon idée de fonds immobilier centré sur les viagers.

 

Ce fonds et la société que vous venez de fonder, Viage SA, c'est votre dernier défi?

 

C'est possible. D'une part, le fonds, qui est structuré sous la forme d'une SCmPC, a une durée limitée à 15 ans (avec possibilité de prolongation de 2 x 2 ans, si nécessaire), ce qui fait que j'aurais largement atteint l'âge de la retraite quand les derniers biens immobiliers de ce premier fonds seront vendus. Sans compter que le concept a un gros potentiel. Si Viager Swiss SCmPC est un succès auprès des investisseurs et des propriétaires nous pensons rapidement le dupliquer. Tout cela devrait suffisamment m'occuper ces prochaines années. En outre, nous avons déjà de nouvelles idées avec Gefiswiss….

 

François Normand, revenons un peu à vous, quels sont vos principaux traits de caractère ?

 

J'aime le contact avec les gens et je suis quelqu'un de très sociable.

 

Et quelles sont vos passions ?

 

L'hiver, le ski. Je me suis aussi mis à la peau de phoque. En été, je fais du VTT électrique, souvent en Valais.

 

Et la question rituelle qui termine tous nos entretiens : si vous aviez une baguette magique que changeriez-vous à votre parcours professionnel?

 

Rien.

 

me pas lancer Viager Swiss plus tôt ?

 

Vous savez, je vis avec cette idée depuis 8 ans, et je pense que c'est maintenant le moment opportun car la société, et ses babys boomers, est en pleine mutation. L’augmentation des taux hypothécaires, le niveau de vie, l’envie de régler sa succession sur le bien, la stagnation des rentes vieillesses sont autant de motivations actuelles pour s’intéresser au viager.

 

Et vous-même, vous pourriez être un client de votre fonds?

 

Quand j'aurai atteint les 70 ans, l'âge minimum, pourquoi pas ? D'abord je trouve fabuleux de pouvoir rester dans sa maison tout en augmentant son niveau de vie. Et si je n'ai pas besoin de cet argent, je peux toujours faire une donation de mon vivant à mon fils, qui a aujourd'hui 19 ans, et me réjouir, quand je le peux encore, de voir ce qu'il va réaliser avec cet argent.

 

Olivier Toublan, Immoday