Certaines rénovations génèrent une meilleure performance que le neuf

29/09/2021

Jonathan Martin

Edmond de Rothschild REIM

3 min

La durabilité, c'est bien, mais concrètement, pour un fonds immobilier, comment être plus vert sans péjorer ses performances et donc probablement perdre des investisseurs ? C’est un peu la quadrature du cercle et chaque gérant a ses solutions. Voici celles de Jonathan Martin, gestionnaire du fonds ERRES.

 

Petit à petit, la durabilité s'installe dans le monde des fonds immobiliers. Avec, au-delà des paroles convenues qui ressemblent plus à du marketing qu’à une réelle volonté de changement, de plus en plus de discours cohérents, d’exemples concrets et des chiffres, des indices, bref des données objectives qui permettent la comparaison, pour situer la performance du fond par rapport à ses pairs, et par rapport aux objectifs de la Confédération.

Il ne faut pas oublier que l’immobilier, en Suisse, est un dévoreur d’énergie et un gros pollueur. Il représente près de 40 % de la consommation d’énergie en Suisse et près d’un tiers des émissions de CO2. Mais, pour un fonds immobilier, devenir plus vert sans péjorer la performance, c’est un peu la quadrature du cercle.

Des solutions semblent pourtant exister. Voici celles de Jonathan Martin, senior manager chez Edmond de Rothschild REIM (Suisse) SA et gestionnaire du fonds Edmond de Rothschild Real Estate SICAV (ERRES).

 

Jonathan Martin, vous consacrez un long chapitre à la durabilité dans le dernier rapport annuel du fonds ERRES. Par intérêt ou par marketing ?


La thématique m'intéresse en effet beaucoup et la durabilité est une des priorités du fonds. Nous sommes convaincus que ce sera un axe de différentiation dans le futur.

En revanche nous différons un peu de nos confrères, en ce sens que nous ne voulons pas, à tout prix, atteindre des objectifs chiffrés, nous cherchons plutôt à avoir un impact concret sur notre environnement.

 

C’est-à-dire ?


Vous savez, un bon moyen pour un fonds immobilier d’avoir d’excellents indices de durabilité, c’est de n’acheter que du neuf et de se débarrasser de ses vieux immeubles très énergivores. Ça donne de beaux chiffres dans le rapport annuel, mais ça n’améliore pas la situation globale du parc immobilier suisse.

Nous avons opté pour une autre approche, que l’on considère comme plus responsable : on achète aussi beaucoup d’immeubles anciens, avec comme objectif de les remettre aux normes.

 

Pourtant, si j’en crois votre rapport annuel, vous avez investi à peine plus de 3 million de francs l'année dernière dans l'entretien et les réparations. Ce n'est pas énorme pour un fond qui possède 105 immeubles et 3200 appartements, et qui se veut à la pointe des critères ESG.


Attention, ce que vous voyez dans le compte de pertes et profits, ce ne sont que les charges courantes d’entretien et de réparations. Toutes les rénovations importantes, qui permettent d’améliorer la qualité d’un immeuble, sont activées et se retrouvent donc au bilan.

Pour l’exercice prochain, notre budget prévoit des dépenses d’entretien et de réparations de presque de 6 millions de francs et plus de 20 millions de francs d’investissements à valeur ajoutée sur des immeubles existants du portefeuille.

 

Par exemple ?


Par exemple, un gros projet à Meyrin, où nous possédons un ensemble d’immeubles très énergivores. Nous allons investir 25 millions de francs pour les rénover dans des standards de haute performance énergétique (HPE).

Actuellement, nous travaillons sur l’immeuble Prulay 37, également à Meyrin : grâce à de nouvelles isolations, un nouveau système de chauffage, la pose de panneaux solaires photovoltaïques, les émissions de CO2 devraient diminuer de presque 60% et l’indice de dépense de chaleur de plus de 30%, par rapport à la situation actuelle.
 

 

C’est épatant, mais est-ce que, pour un fonds, de tels investissements sont vraiment rentables ?


Ça dépend des projets. Dans le cas de Meyrin, ça sera rentable car nous bénéficierons aussi de subventions, d’une baisse des charges courantes, d’une exonération de l’impôt immobilier complémentaire et d’un immeuble en meilleure condition qui permettra, après 5 ans, de viser des loyers plus élevés.

Au final, les investissements réalisés pourront générer un rendement de 4 à 5%, donc supérieur à celui de bons nombres d’immeubles achetés neufs aujourd’hui. Dès lors, économiquement, ces investissements font sens pour ce projet. Mais ça ne sera probablement pas toujours aussi simple.

 

C’est-à-dire ?


Nous allons d'abord nous concentrer sur les projets les plus évidents, ceux où une rénovation apporte une réelle plus-value à l’immeuble, et augmente sa rentabilité. Mais il viendra un jour où nous devrons aussi procéder à des investissements de rénovation qui génèrent des coûts mais pas d'augmentation du rendement.

 

Actuellement, vous êtes assez transparents, vous publiez vos émissions de CO2, vous les comparez avec celles de vos pairs. De ce point de vue, où en êtes-vous avec les objectifs Confédération 2030 ?


Avec des émissions de 22,4 kg CO2 /m2, nous sommes déjà en ligne avec les objectifs 2030, c’est-à-dire des émissions de moins de 30 kg CO2 /m2. Et on devrait pouvoir prochainement atteindre les objectifs 2050 (15 kg CO2 /m2).

C’est réaliste, nous ne sommes pas si loin.  

 

Concrètement que se passerait-il si un fonds n’arrivait pas à atteindre les objectifs Confédération 2030 ?


Rien, ce ne sont que des objectifs et ils ne sont malheureusement pas contraignants pour l’instant. Il n'y aura pas de pénalité financière. Du moins un niveau de la confédération.

Au niveau des cantons, c'est un peu différent, et particulièrement à Genève, où a été mis en place un Indice de dépense de chaleur (IDC), avec des seuils que l'on va devoir respecter, sous peine de pénalités financières.

Nous voyons d’un bon œil la publication du plan directeur cantonal de l’énergie et l’annonce des moyens qui seront mis en œuvre par le Canton pour atteindre ces objectifs ambitieux.

 

Et qu’en est-il de vos équipes, sont-elles aussi motivées que vous par ces objectifs de durabilité ?


C'est un point important, que l'on ne prend pas assez souvent en compte. En effet, les ressources financières pour les rénovations, on peut les trouver. En revanche, ces projets demandent beaucoup à nos équipes.

Tous sont différents, c’est très lourd administrativement, il faut trouver les bons partenaires, avoir le bon réseau, en interne et en externe. C’est un axe sur lequel nous travaillons beaucoup. Alors, oui, aujourd’hui ça nous complique un peu la vie, mais ça nous la rendra plus simple demain.
 
 

Jonathan Martin
Senior Manager
Edmond de Rothschild REIM (Suisse) SA

Interview réalisée par Olivier Toublan