Ne (presque) pas payer d’agio, c’est possible

18/05/2021

Laure Carrard

IMvestir Partners SA

3 min

Pour certains fonds immobiliers cotés, l’agio dépasse aujourd’hui les 50 %, alors qu’il est, en moyenne, de moins de 8 % pour les fonds non cotés. Ces derniers représentent donc une belle opportunité pour les investisseurs à long terme, encore faut-il s’y retrouver dans un univers assez peu transparent.

 

Nous l’avons vu dans un précédent article, les agios sont devenus une source de préoccupation pour les investisseurs, tant ils sont élevés aujourd’hui. Ils dépassent en effet les 50 % pour certains fonds. Pourtant, il existe une solution, où les agios sont quasiment inexistants : les fonds immobiliers non cotés. Le problème, c’est que ces fonds sont moins liquides et surtout les informations sont moins accessibles que les fonds cotés. Alors comment trier le bon grain de l’ivraie ? Les réponses de Laure Carrard, spécialiste des fonds immobiliers indirects, et directrice de IMvestir Partners SA, une société spécialisée dans le conseil en investissements en immobilier.

 

Laure Carrard, si je ne veux pas payer un agio élevé quand j’investis dans l’immobilier indirect, comment faire ?
 

C’est possible, il suffit de vous tourner vers les fonds non cotés en participant à des augmentations de capital où vous ne paierez pas d’agio mais seulement des frais d’émission. Si vous décidez d’investir immédiatement, sans attendre une augmentation de capital, vous paierez alors un agio, mais nettement plus faible que dans le cas d’un fonds coté. Pour rappel, cet agio était de 35% en moyenne, en mars 2021, pour les fonds côtés et seulement 7,5 % pour les fonds non cotés. A cela s’ajoute une forte différence du niveau des agios selon le secteur d’investissement : ils sont aujourd’hui plus élevés pour l’immobilier résidentiel que pour l’immobilier commercial.

 

Comment expliquer cette différence ?

 

Dans des conditions économiques difficiles comme celles que nous traversons aujourd’hui, les fonds immobiliers commerciaux sont plus pénalisés par les investisseurs que les fonds immobiliers résidentiels. On l’a vu ces derniers mois, les locataires résidentiels ont continué de payer leur loyer, alors que les locataires commerciaux, souvent pris à la gorge, n’ont parfois plus pu les payer. Par contre, dans le cas d’une hausse des taux d’intérêt, les fonds résidentiels vont être plus impactés que les fonds immobiliers commerciaux, à cause de l’ajustement du taux de référence.

Dans le contexte actuel, ne vaudrait-il pas mieux, pour un investisseur, vendre ses parts de fonds cotés, aux agios élevés, pour acquérir des parts de fonds non cotés, où les agios sont plus bas ?

 

C’est ce qu’on observe ces dernières années. Certains investisseurs vendent des parts de fonds cotés, et achètent des parts de fonds non cotés lors d'augmentations de capital. Mais prudence quand même. Quand on investit sur le long terme, la première question à se poser n’est pas celle du niveau de l’agio, mais la stratégie du

fond, la qualité de son management, et son potentiel à long terme. Ensuite seulement, si l’on a plusieurs options d'investissement, on peut décider de se séparer de ses parts de fonds cotés pour acheter des fonds non cotés où l’agio est plus intéressant.
 

Certains fonds affichent aujourd’hui un agio négatif, ne serait-ce pas là qu’il faudrait investir ?
 

Effectivement il y a aujourd’hui, en Suisse, quelques fonds dont la valeur sur le marché est inférieure à leur VNI. Mais attention avant d’investir dans ces fonds. Ils sont impactés par un sentiment négatif des investisseurs car leur stratégie n’est pas toujours claire, leur parc comporte des risques de vacances ou nécessite des rénovations, ou ne génère pas suffisamment de cash flow sur le long terme pour les financer.

 

Bref, c’est vraiment un investissement risqué.
 

Le marché ne croit pas à la stratégie de ces fonds ni à leur équipe de gestion. Dès lors rien ne dit que l’agio négatif va miraculeusement se transformer en agio positif. En outre, comme ces fonds ne sont pas très appréciés par les investisseurs, ils sont très peu liquides. Donc attention si vous achetez des parts, vous pourriez avoir des difficultés à les revendre par la suite.

 

Ne pourrait-on pas simplement acheter des parts en dessous de leur VNI, et demander leur remboursement, ce qui permettrait un gain, certes modeste mais immédiat ?
 

Il y a effectivement la possibilité de demander le remboursement mais il faut attendre la fin d’un exercice, poser un préavis de 12 mois, et accepter de payer une commission de rachat entre 3% et 5%. Ensuite, le remboursement aura lieu dans les 3 mois suivant la fin de l’exercice. Au final, ces règles impliquent un remboursement au mieux dans les 15 mois. De plus, si une liquidation partielle a lieu – ce qui sera le cas si un nombre important d’investisseurs demandent le remboursement – des frais additionnels sont possibles, jusqu’à 5% supplémentaires. Au final, je doute que le jeu vaille la chandelle. Il faut, d’une part, être certain que la stratégie du fonds est mauvaise à long terme et donc que le cours ne va pas remonter. D’autre part, la décote du fonds doit être plus importante que les frais de remboursement totaux.


 

Laure Carrard, CIIA, Directrice
Interviewée par Olivier Toublan

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