Durabilité, comment savoir si ce qu’un gestionnaire de fonds vous raconte est vrai ?

22/09/2021

3 min

La durabilité est devenue un thème à la mode, mais comment savoir si un gestionnaire de fonds s’implique vraiment pour mettre en œuvre les critères ESG dans son parc immobilier, ou ne fait que du greenwashing ? Les conseils de Jonathan Martin, de la banque Edmond de Rothschild.

 

Pour les investisseurs, et plus particulièrement les institutionnels, la durabilité est devenue un critère de décision important. Mais dans certains domaines, comme l’Immobilier, il est parfois difficile de savoir à quoi correspondent exactement les informations que donne un gestionnaire de fonds. L’idéal serait d’aller le voir et de discuter avec lui. Mais ce n’est pas toujours possible. Jonathan Martin, senior manager chez Rothschild REIM, membre de l’équipe de gestion du fonds immobilier Edmond de Rothschild Real Estate SICAV (ERRES), nous donne quelques conseils pour faire une bonne sélection.

 

Jonathan Martin, quand un gestionnaire de fonds immobilier parle de durabilité, comment est-ce qu’un investisseur peut savoir s’il peut lui faire confiance ?

Le mieux serait de rencontrer ce gestionnaire, et de parler avec lui de sa stratégie dans le développement durable. On voit assez vite si on a, en face de nous, quelqu’un qui y croit vraiment ou si c’est juste du greenwashing. Ceci dit, tous les investisseurs ne peuvent pas aller voir les gestionnaires, ne serait-ce que pour une question de temps, sans parler des compétences pour analyser un portefeuille immobilier. Ce qui ne les empêche pas de faire une première sélection, grâce à quelques indices faciles à trouver.

 

Par exemple ?

Par exemple, les pages sur la durabilité publiées dans le rapport annuel du fonds. Si elles ne sont pas présentes, c’est un indice fort que le développement durable m’intéresse pas vraiment le fonds. C’est donc un premier filtre qui permet d’exclure certains fonds. Ensuite, est-ce que les informations et les chiffres publiés dans ces pages proviennent uniquement du fonds, où est-ce que certains ont aussi été audités par des organisations externes, ce qui leur donne une crédibilité supplémentaire.

 

A quels chiffres l’investisseur doit-il faire particulièrement attention ?

D’abord les montants investis chaque année dans la rénovation des immeubles, et les investissements faits pour augmenter la valeur du parc. Ensuite, calculer la moyenne des charges de chaque immeuble, ce qui permet d’inférer s’il est en bon état ou pas. Par ailleurs, il y a tous les indicateurs environnementaux usuels tels que les émission de CO2, de consommation d’énergie, d’eau ou d’électricité.

 

Sur ce point, quand on parle d’ESG, on entend souvent consommation d’énergie uniquement. Ce n’est pas un peu réducteur ?

Il faut être honnête, dans l’immobilier la consommation d’énergie et la diminution des émissions de CO2 restent les critères principaux. Chez nous, l’eau est aussi un sujet important, ainsi que la biodiversité. Sans oublier la gestion des déchets. On s’intéresse aussi beaucoup aux critères sociaux, comme la qualité de vie dans le logement, l’air, la sécurité, la lumière ou la pollution des sites.

 

Et les loyers, c’est aussi un critère social ?

Bien évidemment, et en particulier à Genève, où nous sommes dans une situation de pénurie. Une bonne partie de nos immeubles se trouve dans des zones de développement, et nous avons des centaines de logements avec des loyers subventionnés ou contrôlés.

 

Il n’y a pas une pression des investisseurs pour augmenter ces loyers et donc les rendements ?

À vrai dire, de moins en moins. Surtout si on peut leur garantir des rendements et des dividendes stables. Les investisseurs, surtout institutionnels, sont eux aussi responsables. En plus, garder des loyers bas n’est pas forcément une mauvaise affaire, car cela permet d’avoir moins de rotation, donc moins de vacances, et de garder des locataires que l’on connaît depuis longtemps, qui posent moins de problèmes. En plus, au final, avec un portefeuille immobilier tel que le nôtre, cela permet un bon mix, et donc une meilleure répartition des risques.

 

Et qu’en est-il des ratings pour savoir si la politique de développement durable d’un fonds est de qualité ou pas ? Vous-même, vous en publiez un dans votre rapport annuel.

Effectivement, c’est le SSREI, le Swiss Sustainable Real Estate Index, qui est un indice mis au point justement pour évaluer la durabilité d’un portefeuille immobilier en Suisse, établi et certifié par des experts externes au fonds. Cet indice nous permet de couvrir plusieurs critères de durabilité, de les objectiver et d’en faire le suivi au cours du temps. Et ceci pour chaque immeuble.

 

Et quels sont ces critères de durabilité ?

Pour analyser nos politiques durables, nous avions besoin de données sur une quinzaine de critères. Un tiers d’entre elles, nous les avons obtenues de manière quantitatives avec des relevés de consommation, et pour les autres nous avons cherché une solution qui nous a été fournie par cet indice SSREI. Des critères comme la gestion des déchets, la biodiversité, la densification, la résilience au changement climatique, mais aussi des critères sociaux comme la sécurité, l’accessibilité, etc.

 

Faire partie d’un tel un indice, c’est un coût important pour le fonds ?

C’est un coût certes, mais ça reste marginal par rapport aux frais de gestion d’un fonds immobilier. Par ailleurs, on pourrait aussi le considérer comme un investissement, car cela permet au gestionnaire de mieux connaître son portefeuille immobilier et d’acquérir de nouvelles compétences, qui vont ensuite bénéficier à toute l’organisation. Ces critères sont certifiés par des experts de domaines différents qui nous apportent leur vision sur nos immeubles.

 

Le problème, pour l’investisseur, au final, n’est-ce pas qu’il manque une certification ESG acceptée par tout le monde ?

Effectivement, pour l’instant, aucun indice ne s’est encore imposé en Suisse. Mais leur création est assez récente, et il faut leur laisser un peu de temps pour faire leurs preuves. Quoi qu’il en soit, ce genre de rating devient de plus en plus demandé par certains investisseurs, de même que des certifications énergétiques  comme Minergie. Dans quelques années, ils deviendront probablement un prérequis, sans lequel il n’y aura même pas d’investissement. Alors, autant commencer tout de suite.