Julien Grange de Grange Immobilier: «Les acheteurs demandent aujourd'hui un rendement net moyen de 3,4%»

03/12/2023

Immoday

Grange Immobilier

5 min

L'équipe de Grange Investissement vient de publier son deuxième Baromètre de l'immobilier de rendement genevois. Il montre que, entre les attentes des vendeurs et celles des acheteurs, il y a toujours une différence importante. Mais un nouvel équilibre semble se dessiner. 


Dans un marché qui a connu d'importants bouleversements ces 18 derniers mois, Grange Investissement, une branche de Grange Immobilier, une des plus anciennes gérances genevoises, avec une centaine de collaborateurs et 300 millions d'états locatifs sous gestion, a estimé qu’il manquait encore un indicateur clair des attentes des investisseurs immobiliers en matière de rendement. Alors, comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, l'équipe de Grange Immobilier a décidé de sonder les principaux acteurs du marché, pour établir un Baromètre de l'immobilier de rendement genevois. Avec, dans la deuxième édition, qui vient de paraître, des résultats qui permettent de mieux comprendre l'atonie actuelle du marché. Même si les transactions devraient bientôt reprendre. Les explications de Julien Grange, administrateur de Grange Immobilier, et responsable de ce baromètre.
 

Julien Grange, quels sont les principaux enseignements que vous tirez de la deuxième édition de votre Baromètre ?

 

D’abord, elle confirme que l'on se retrouve actuellement dans une situation, après l'augmentation des taux d'intérêt, où un certain nombre de vendeurs ont encore des prétentions trop élevées. Ils proposent des prix de vente, et donc des rendements, qui ne satisfont plus les attentes des acheteurs. Nous observons par contre dans les résultats du Baromètre que les attentes de ces derniers semblent se stabiliser depuis la dernière annonce de stagnation du taux d’intérêt directeur de la BNS en septembre dernier.
 

Quelles sont ces attentes, concrètement ?

 

Quand on leur pose la question du rendement net qu'ils attendent pour un immeuble locatif de logement de bonne qualité situé sur le canton de Genève, sans aucuns travaux à prévoir à moyen terme mais aussi sans potentiel de surélévation, les acheteurs, en moyenne, attendent un rendement de 3,4 % pour des bâtiments situés dans le centre-ville, et d'un peu plus de 4 % pour des bâtiments situés en périphérie et mal connectés aux transports publics.
 

Et pour les immeubles commerciaux ?

 

Pour un immeuble locatif commercial de bureau de bonne qualité situé sur le Canton de Genève, sans aucuns travaux à prévoir à moyen terme mais aussi sans potentiel de surélévation, la réponse est d'environ 4,1 % pour les immeubles bien situés dans le centre de la ville, jusqu'à presque 5 % pour les immeubles en périphérie, mal connectés aux transports publics. Ces chiffres excluent l’ultra-prime qui est un marché à part, comme par exemple les immeubles commerciaux de la rue du Rhône, à Genève.
 

Il y a donc une vraie importance de la localisation ?

 

Notre baromètre indique que la localisation du bien et son accès aux transports publics semblent en effet avoir un fort impact. Une différence de +19% est observée entre le rendement net attendu d’un immeuble résidentiel situé au centre de Genève et un bien situé en périphérie mal connecté aux transports publics. Ce chiffre se situe à environ +22% pour les immeubles commerciaux.
 

La taille de l'immeuble a-t-elle aussi une importance ?

 

Elle a en effet une influence, mais maigre. En fin de compte, le montant de l’état locatif n'est pas la caractéristique ayant le plus grand impact sur le rendement net attendu. Sauf si l’état locatif est inférieur à 300'000 francs. Dans ce cas, le marché est un peu différent car il s’adresse majoritairement à des investisseurs privés de plus petite taille. Mais nous n’avons pas posé cette question dans notre baromètre. Peut-être dans la prochaine édition.
 

Quoi qu'il en soit, ces attentes des acheteurs sont loin des rendements moyens observés dans les transactions. Comment l'expliquer ?

 

Tout simplement parce qu'il y a une différence importante entre les transactions effectuées et les attentes des acheteurs. Si vous examinez en détail les réponses de ces derniers dans notre Baromètre, vous constaterez que certains acheteurs restent très agressifs. Ils pratiquent encore des rendements bas. Les autres, la grande majorité, attendent que les vendeurs revoient leurs prétentions à la baisse. Cet attentisme explique d'ailleurs la chute importante du nombre de transactions ces derniers mois, puisque vendeurs et acheteurs n'arrivent pas à se mettre d'accord sur un prix. Quoi qu’il en soit, les statistiques qui sont publiées sont calculées uniquement sur les transactions véritablement effectuées. Elles ne représentent donc pas les attentes moyennes du marché, mais seulement la position de certains acheteurs agressifs. Il y a donc pour l’instant encore un biais important. 
 

Ce qui explique pourquoi les rendements réels observés sur les transactions sont aux environs de 2 %, alors que les rendements attendus des acheteurs sont à 3,4 %, selon votre baromètre.

 

Exactement. Les chiffres publiés des rendements réels sont corrects, mais ils sont biaisés. Et c'est justement pour montrer aux vendeurs, qui ont plutôt tendance à calculer les taux de rendement par rapport aux transactions passées, quelles sont les attentes réelles des acheteurs que nous avons publié ce baromètre. C'est une donnée que l'on n'avait pas encore. 
 

Vous avez aussi sondé les acheteurs sur l'évolution du marché. 

 

Effectivement, et une large majorité des sondés pense que les prix de l’immobilier vont continuer sur leur tendance baissière pendant les 6 prochains mois, même si la proportion de sondés pensant que les prix vont se stabiliser a augmenté, passant de 27% à 35%. Ce qui aurait tendance à indiquer que le marché est en train de se stabiliser. D'ailleurs, de nombreux acheteurs ont retrouvé un certain appétit. Plus d'un tiers sont désormais en phase d'investissement actif. Quant à ceux qui sont en phase de désinvestissement actif, ils ne sont plus que 4%.
 

Si les prix se stabilisent et que l'appétit des acheteurs revient, cela ne veut-il pas aussi dire que les vendeurs ne sont, en fin de compte, pas obligés d'ajuster leurs prix à la baisse ?

 

Attention aux biais statistiques entraînés par le tout petit nombre de transactions que l'on observe actuellement. Si certains segments du marché, comme les appartements, ou les PPE, ont résisté, du moins à Genève, d'autres ne se portent pas aussi bien. Pour les immeubles résidentiels de rendement, on a constaté une véritable baisse, mais comme il y a peu de transactions, c'est difficile de voir cette baisse dans les statistiques. 
 

Une baisse de combien ?

 

Nous ne pouvons pas tirer cette statistique de notre Baromètre puisqu’il n’existait pas avant le début de la hausse des taux d’intérêt. Mais de notre expérience de vendeur, nous constatons qu’en moyenne les immeubles résidentiels ont perdu près de 20 % de leur valeur depuis mars 2022. Il faut dire que, ces dernières années, les prix de ce genre de biens avaient été artificiellement gonflés par la très forte demande des investisseurs institutionnels.
 

Et pour les immeubles commerciaux ?

 

La situation est un peu différente, puisque les prix étaient déjà plus bas, conséquence d’un fort taux de vacance sur le Canton. Il y a donc eu, ici aussi, une baisse ces deux dernières années, mais moins importante. Ceci dit, pour l'immobilier commercial, les investisseurs sont devenus extrêmement exigeants et il n'y a plus beaucoup de demande pour des bureaux en périphérie mal connectés avec les transports publics, ni pour les immeubles anciens très énergivores. C'est que, avec la nouvelle législation, à Genève, ce genre d'immeuble va nécessiter d'importants frais de rénovation.
 

J'en crois votre analyse, puisque le marché est en train de se stabiliser, on devrait observer bientôt une augmentation des transactions.

 

Effectivement, au fur et à mesure que les attendent des vendeurs s'adaptent à la nouvelle situation macroéconomique, nous pensons que nous allons assister à davantage de transactions. Ce qui nous permettra de mieux voir où en sont les prix du marché. 
 

Julien Grange, on n'a donné ici que quelques résultats du sondage. Comment avoir accès à l'intégralité du Baromètre ?

 

Simplement en répondant à notre questionnaire lors de la prochaine édition au printemps prochain, ce qui ne prend que quelques minutes. En effet, pour l'instant, nous n'avons qu'une petite partie du marché qui participe à notre sondage. Certes les plus gros acteurs sont présents, mais nous aimerions en avoir davantage, pour affiner les résultats. Et je crois que nous pouvons l’annoncer ici, la prochaine édition sera co-brandée avec votre site ce qui devrait lui donner la visibilité qu’elle mérite ! Nous nous réjouissons de pouvoir continuer à observer les évolutions du marché au fil des prochaines éditions du Baromètre.