Laurent Clauzet, responsable de l’immobilier indirect à la BCGE: «La gestion active d'un portefeuille composé de plusieurs véhicules immobiliers apporte une véritable plus-value»

17/04/2024

Immoday

Olivier Toublan

4 min

Pour se constituer un portefeuille d'actions ou d’obligations, il ne viendrait à personne l'idée de ne pas passer par le conseil de professionnels. Il en va de même pour l'immobilier indirect, si l'on veut sélectionner les véhicules les plus performants. Surtout quand on est un investisseur institutionnel ou une caisse de pension, et que ces investissements en immobilier indirect représentent des millions. Les explications de Laurent Clauzet de la BCGE.


Bien qu'encore assez discrète dans ce domaine, la Banque Cantonale de Genève (BCGE) possède, dans ses équipes, plusieurs spécialistes de l'immobilier. Pour la clientèle privée, mais aussi pour les investisseurs institutionnels et les caisses de pension. Sans oublier un véhicule d'immobilier indirect, le fonds Synchrony Swiss Real Estate Economy. On discute des ambitions de la banque et de son approche de l'immobilier indirect avec Laurent Clauzet, Portfolio Manager, responsable de l’immobilier indirect.
 

Laurent Clauzet, quels sont les services proposés par la BCGE aux investisseurs dans l'immobilier indirect ?

 

Nos équipes proposent leurs services sur l'ensemble des classes d'actifs, dans une approche généraliste, qui inclut, bien entendu des compétences fortes dans l'immobilier, en particulier indirect.
 

Pour quelle clientèle ? 

 

Pour les clients internes ou externes de la banque, qu'ils soient privés ou institutionnels. Mais il est vrai, lorsque l’on parle d'immobilier indirect, qu'on pense d'abord à ces derniers. Ceci dit, nous proposons aussi nos services aux privés, qui eux-aussi investissent dans l'immobilier pour la régularité du dividende et sa volatilité contenue. Nous le faisons soit via un mandat, soit via notre fonds d'immobilier coté suisse, le Synchrony Swiss Real Estate Economy.
 

Pourquoi ces investisseurs feraient-ils appels à vos services ? Quelle est la valeur ajoutée de la BCGE dans les investissements en immobilier indirect ?

 

L'immobilier, et en particulier l'immobilier titrisé, est un domaine complexe, où il faut avoir des compétences pointues pour bien investir sur le marché. En effet, il faut à la fois comprendre le sous-jacent immobilier mais également avoir la casquette d’analyste financier. Des compétences et une expérience que nous possédons dans nos équipes d’Asset management. 
 

Des arguments qui arrivent à convaincre les institutionnels et les caisses de pension ?

 

Ce sont des investisseurs qui sont en général friands d’immobilier, qu’il s’agisse d’investissements en immobilier physique ou en immobilier indirect, via des fonds et des véhicules qui leurs sont d'ailleurs parfois réservés. Mais pour dénicher les titres les plus performants, les plus stables, ou les plus prometteurs, selon leur stratégie, ils ont besoin de spécialistes. C'est là qu'ils font appel à nous.
 

Quelle est l’importance de l’investissement immobilier pour vous ?

 

Il représente quelques centaines de millions, donc ce n’est pas négligeable. Nous sommes une équipe de six gérants institutionnels pour les produits Synchrony, et nous pouvons nous appuyer sur des analystes, sur nos économistes en interne et bien sûr notre recherche externe.
 

Votre domaine de compétences se limite-t-il à l'immobilier genevois ? 

 

En ce qui concerne notre gestion d’actifs, nous couvrons les marché suisse, européen et américain. Sans oublier les marchés à croissance dynamique. Il en va de même pour l'immobilier, même si le marché suisse reste, évidemment, au centre de notre stratégie. Ceci dit, nous proposons aussi l’accès à des produits tiers d’immobilier européen et américain, qu'il soit coté ou non coté.
 

Vous proposez une gestion active dans l'immobilier indirect. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

 

On parle souvent de gestion active pour l'immobilier direct : bien connaître ses immeubles, analyser leur potentiel de développement, les optimiser, créer de la valeur, diminuer la consommation d'énergie, réduire la vacance, etc. Dans l’immobilier indirect le processus est similaire mais à un autre niveau : analyser tous les véhicules disponibles sur les différents indices, déterminer leur profitabilité passée et leur potentiel futur, la qualité de leur gestion, la durabilité de leur stratégie, leur positionnement, etc. Avec, comme objectif, d'investir à long terme dans les sociétés et produits les plus prometteurs.
 

Je comprends le principe, mais à la fin, tous ces véhicules immobiliers, en particulier ceux qui sont cotés, se ressemblent. Donc, qu'on choisisse l'un ou l'autre, ça ne change pas grand-chose.

 

Pas du tout ! Quand vous analysez en détail tous ces titres, vous constatez qu'il y a énormément de différences. D’abord sur la spécialisation sectorielle, l’implantation géographique ou encore la taille des actifs immobiliers. Enfin il y a des différences de stratégie, de potentiel de développement, de politique ESG, etc. Sans parler de la valeur ajoutée des équipes de gestion. Ce qui, au final, a un impact sur le rendement, mais également, si le marché est efficient, sur le cours de bourse. On l'a d'ailleurs bien vu ces trois dernières années, pendant les turbulences : les résultats annuels, les cours en bourse et les performances étaient fortement dispersés.
 

Même dans un univers aussi restreint que les véhicules immobiliers cotés en Suisse ?

 

Il s’agit certes d’un petit univers, puisque si l'on compte les sociétés immobilières et les fonds, on dénombre une soixantaine de véhicules au total. Chaque titre, unique, compose l’univers du SXI Real Estate® Broad et il convient d’effectuer un suivi régulier : analyse des actifs, rencontre avec le management, et prévisions financières, etc.
 

Ce qui nous amène à la question de base : comment comparer et sélectionner les meilleurs acteurs ? 

 

En bien, grâce à une analyse fondamentale poussée, afin d’estimer la qualité intrinsèque du produit ou de la société. Il faut analyser le bilan, et donc, principalement, les actifs immobiliers, leur localisation, leur qualité, leur prix d’achat, les investissements en cours, la valeur d’expertise de marché, mais aussi, au passif, le niveau des fonds propres et de la dette. Le besoin en fonds propres et la stratégie d’endettement sont incontestablement des éléments importants. Il faut ensuite analyser le compte de résultat, la régularité des loyers, l’évolution, les charges immobilières, opérationnelles et financières, l’effet de levier fiscal, etc. Tout cela permet d'établir un diagnostic du véhicule, des prévisions, puis une valeur cible. C’est cette valeur qu’on peut ensuite comparer au cours en bourse.
 

Est-il vraiment possible de faire des prévisions réalistes de rendement ?

 

Je pense que oui. L'analyse nous donne, au final, une bonne idée de ce que sera le résultat d'un véhicule et donc notamment ses futurs dividendes. Ce que nous ne maîtrisons pas, ce sont les aléas économiques, qui peuvent faire varier les revenus mais surtout la valeur des actifs et du cours de bourse. Bien sûr, nos économistes nous aident à établir des scénarios.  Il ne faut pas croire que, parce que c'est de l'immobilier, il n'y a pas non plus de risque, et qu'il ne faut pas confier la gestion de ces risques à des professionnels.
 

Un des gros problèmes des véhicules d'immobilier titrisé, c'est leur liquidité. Comment gérez-vous ce problème ?

 

La faible liquidité est clairement une caractéristique de cette classe d'actifs. C’est d'ailleurs pour cela, qu’en Suisse, les produits non cotés sont généralement réservés aux investisseurs qualifiés. Il s’agit donc d’une donnée à prendre impérativement en compte. Cela dit, avec les structures cotées, le problème de la liquidité est largement atténué. Avec des échanges quotidiens en Bourse de 60 à 70 millions de francs en moyenne, c'est un volume honorable, légèrement supérieur aux actions small cap suisses. Et tout à fait suffisant pour la plupart des caisses de pension, d'autant qu'elles ont tendance à conserver leurs investissements immobiliers sur le long terme.
 

Quels types de véhicules privilégiez-vous ? Les fonds cotés, les fonds non cotés, les sociétés immobilières, les fondations de placement ?

 

Nous n'avons pas de préférence. Chaque produit a ses avantages et ses qualités en termes de rendement ajusté au risque. L’idéal est de les combiner. Sachant qu'un fonds coté à la SIX associe à la fois les avantages d’un placement collectif (restrictions de placement et d’endettement, surveillance de la FINMA, etc.) avec la liquidité et les obligations de transparence liées aux actions. Pour les institutionnels, la fondation de placement exonérée d’impôt est également très avantageuse. Quant aux sociétés immobilières cotées, comme le management est directement intéressé aux performances, leur gouvernance et leur niveau de profitabilité sont parfois supérieurs.
 

Cette sélection des meilleurs véhicules, on la retrouve dans votre fonds Synchrony Swiss Real Estate Economy.

 

Effectivement, c'est une solution d'immobilier indirect que nous proposons à nos clients depuis 2016. Un fonds qui sélectionne deux douzaines des meilleurs véhicules immobiliers cotés en Suisse. 
 

Quels sont les frais pour vos conseils ?

 

Cela dépend bien évidemment du volume qu’on nous confie sous gestion, et du type de client. Cela représente quelques dizaines de points de base.
 

Au final, n'est-il pas plus simple d'acheter simplement un fonds comme UBS Swiss Sima ? Il couvre tout le marché suisse, presque tous les types d'immobilier. On ne peut guère avoir mieux comme diversification. 


Vous pouvez effectivement le faire, tout comme vous pouvez vous dire que pour investir dans l'univers des actions suisses, vous vous cantonnez à Nestlé, Roche ou Novartis. En sélectionnant plusieurs lignes d’immobilier papier dans votre portefeuille, vous arriverez une meilleure diversification financière, à une volatilité plus faible, une meilleure liquidité et un risque de concentration réduit. En outre, quelle que soit la qualité et la diversification immobilière sous-jacente, il reste dangereux sur le long terme d'être investi dans un seul véhicule coté, que la trajectoire et la cotation boursière rendent singulier. 
 

Olivier Toublan - Immoday.ch