Le choix de la SICAV comme structure juridique est-il justifié pour les fonds de placement suisses?

17/02/2021

Thomas Zimmermann

Solufonds SA

5 min

Il y a 14 ans, le droit suisse ne prévoyait que la forme contractuelle pour structurer des fonds de placement domiciliés en Suisse par analogie aux FCP très présents dans le paysage européen des fonds. Mais pour renforcer le marché national et pouvoir concurrencer les places européennes, et plus particulièrement le Luxembourg, l’entrée en vigueur de la LPCC en 2007 a également autorisé la SICAV (Société d’Investissement à Capital Variable) comme structure de titrisation en Suisse. Malgré tout, cette forme de titrisation reste encore très peu utilisée chez nous, alors qu’au Luxembourg les SICAV font clairement jeu égal avec les structures de fonds contractuels au Luxembourg. À l’instar de nombreuses autres innovations, il semblerait ici aussi que les acteurs du marché aient encore besoin d’un peu plus de temps et d’expérience avant que cette nouvelle option de structuration ne s’impose et progresse.
 

Dans les faits, depuis la modification de la LPCC, seules quelques rares SICAV ont été lancées et elles continuent à n’être utilisées que dans quelques rares exceptions. Lors de nouvelles émissions, et comme par le passé, le choix continue à se porter sur les fonds contractuels. Si bien qu’avec à peine plus de 5 SICAV sur un total d’environ 1'800 fonds agréés en Suisse, leur nombre reste encore très marginal. Ceci est d’autant plus surprenant qu’il y a, dans certains cas, de réels avantages à créer une SICAV plutôt qu’un fonds contractuel.
 

Néanmoins, le vent semble tourner quelque peu ces derniers temps et la SICAV pourrait se développer, principalement dans des stratégies d'investissement plus exotiques et moins liquides. Cette forme juridique est ainsi de plus en plus utilisée pour les fonds immobiliers à investissement direct. Depuis la création d’une première SICAV immobilière en 2010, cette structure juridique s'affirme de plus en plus en Suisse au sein de cette classe d'actifs. Et même si la plupart des fonds immobiliers sont encore constitués sous une forme juridique contractuelle - selon la liste actuelle d’agréments de la FINMA, il existerait 62 structures de FCP contre 11 SICAV - un changement de tendance se dessine, notamment dans le domaine des fonds en private label où la création de SICAV devient de plus en plus populaire.​​​​​

Les Fonds en private label sont des fonds d'investissement dans lesquels le promoteur délègue à un spécialiste externe tous les aspects opérationnels et juridiques, à l'exception notable de la distribution et de la gestion des investissements. Considérant que l'exploitation d’une plateforme de fonds avec direction de fonds intégrée est très coûteuse, qu’elle nécessite d’importantes ressources et un grand savoir-faire juridique et opérationnel, il devient clair qu’une réflexion "make-or-buy" est pleinement justifiée et que déléguer semble une option très judicieuse.

Si ce choix de structure n'est guère relevant pour l'investisseur, il reste primordial pour le promoteur du fonds. Ce choix de structure induit une séparation entre l'initiateur du fonds et la propriété juridique et mérite donc une réflexion particulière, et ce tout particulièrement dans le cas des fonds immobiliers à investissement direct.

Les avantages d'une SICAV immobilière dans le secteur des fonds en private label peuvent être résumés comme suit :
 

· Contrôle : la SICAV a sa propre personnalité juridique et assume donc la propriété formelle des biens immobiliers, ainsi que leur contrôle. Dans le cas des fonds contractuels, le contrôle reste entre les mains de la direction du fonds qui est également le propriétaire formel des investissements.
 

· Indépendance et flexibilité : la SICAV est indépendante de la direction du fonds, laquelle reste un pur prestataire de services malgré sa fonction centrale. Elle offre ainsi plus de poids au mandant, le promoteur, quant à l’idée qu’il se fait du produit et de la structure de services adéquate. Il a en effet la possibilité, via le conseil d’administration ou les actions entrepreneurs, de confirmer ou révoquer facilement les différents prestataires de services, y compris la direction du fonds. Dans le cadre d’un fonds contractuel, ceci est impossible sans le consentement de la direction du fonds.

 

· Fiscalité : Dans le cas d'une structure contractuelle, changer de direction de fonds signifie un changement de propriétaire formel, ce qui a des conséquences fiscales directes sur le bien immobilier sous-jacent. Pour des raisons économiques liées à la performance, cette incidence fiscale rend de facto tout changement de direction de fonds beaucoup plus difficile, voire impossible. À contrario, un tel changement peu avoir lieu sans la moindre conséquence fiscale dans le cadre d’une SICAV. La SICAV, elle-même propriétaire des biens immobiliers, se choisit simplement un nouveau prestataire et une nouvelle direction de fonds qui peut être remplacée, à l’initiative du conseil d’administration, dans le cadre d’une procédure d’approbation standardisée de la FINMA.

 

Par ailleurs, puisque les biens appartiennent directement à la SICAV, comme expliqué ci-dessus, ils seront soumis à l'impôt sur les sociétés et bénéficieront donc d’un taux préférentiel.

 

En conclusion, même si la structuration d’un fonds sous forme de SICAV est un peu plus complexe au début, elle apporte sur la durée des avantages significatifs pour le promoteur en termes de flexibilité et de contrôle accru sur l’activité, tels qu’évoqué précédemment. Tout ceci devrait faire l'objet d'une attention toute particulière dans le secteur des fonds en private label, ouvrant ainsi aux SICAV la voie d’une utilisation plus convaincante et significative.

 

Thomas Zimmermann
Solufonds SA
 
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