Julian Reymond de Realstone: «La Comco devrait s’interroger»

07/06/2023

Immoday 

Olivier Toublan

3 min

Plus que la Finma, ce devrait être à la Comco d'agir, estime Julian Reymond, CEO de Realstone, pour empêcher la création d'une position dominante dans le petit monde des fonds immobiliers, avec un très gros acteur qui aurait beaucoup trop d'avantages par rapport aux autres. Avec, peut-être, des opportunités d’acquisition si UBS cède une partie des fonds Credit Suisse.

 

"Cette fusion entre Credit Suisse et UBS va effectivement changer en profondeur tout le marché de l'immobilier titrisé en Suisse", estime Julian Reymond, CEO de Realstone, un spécialiste des placements immobiliers collectifs, qui gère un peu plus de 4 milliards de francs d'actifs immobilier via différents véhicules.
 

En quelques mots, résume Julian Reymond, UBS qui était déjà l'acteur principal de ce marché, va devenir encore plus important. Ce qui lui permettra de renforcer encore plus sa position dominante et de représenter quasiment la moitié de la capitalisation boursière du marché des fonds immobiliers côtés.  Cela  lui permettra de dicter la performance du marché, les tarifs, bref d'imposer son point de vue aux autres acteurs du secteur, et de devenir la référence pour les investisseurs.

 

Les avantages d'être le plus grand

 

En effet, avoir des fonds plus grands présente beaucoup d'avantages pour un émetteur, explique le CEO de Realstone. D'abord ces fonds seront plus liquides, leurs performances seront toujours alignées au benchmark au vu de leur position dominante et ensuite ils pourront avoir une influence sur les TER de leur concurrents. Dans les deux cas, c'est un avantage pour le fonds et autant d'arguments marketing pour convaincre les investisseurs.
 

Ceci dit, avec cette fusion, UBS pourrait quand même faire face à quelques problèmes, puisque la banque possèdera désormais plusieurs fonds avec une stratégie d'investissement assez similaire. "La solution la plus simple serait sans doute de les fusionner, mais il y aurait alors des risques de dilution de la performance si les deux fonds fusionnés ne sont pas de qualité complètement égale", explique Julian Reymond. En outre, ils devront obtenir l’accord de la Finma.  "J'ai déjà vécu une fusion, je peux vous dire que ce processus est long et chronophage au niveau administratif notamment pour obtenir l’approbation des autorités fiscales ". La bonne nouvelle pour les autres promoteurs de fonds en cas de fusion des fonds Credit Suisse et UBS est l’opportunité d’entrer dans l’indice des 10 plus grands fonds immobilier cotés en bourse, en sachant que les fonds immobiliers Credit et UBS occupent aujourd’hui les cinq premières places. C’est un avantage important pour la liquidité des fonds de placement immobilier qui passeraient dans cette catégorie.

 

Des fonds CS mis en vente ?

 

D'ailleurs, il n'est pas sûr qu'UBS ait envie de tout intégrer, rappelle Julian Reynond. La banque pourrait simplement faire du cherry picking, conserver les meilleurs fonds de Credit Suisse, ou la meilleure partie des parcs immobiliers, et vendre le reste. "En tout cas, les responsables de l'immobilier titrisé chez UBS doivent se frotter les mains, leur situation est idéale. C'est pour eux une occasion rare de développer leur activité de manière extrêmement rapide, en sélectionnant ce qui leur plaît, et en laissant de côté ce qui ne leur plaît pas".
 

Pour les investisseurs, la situation est moins rose, car, suite à cette fusion, il leur sera plus difficile de diversifier leurs investissements dans l'immobilier. Ceci dit, ajoute Julian Reymond, les possesseurs de parts de fond immobiliers Credit Suisse pourraient être bénéficiaire de l'opération. "En effet, il est probable que certains de ces fonds subissent actuellement une décote simplement à cause de leur émetteur, qui n'inspire plus confiance".  Une confiance qui pourrait réapparaître, si ces fonds étaient fusionnés avec ceux d'UBS.

 

Continuer à être le plus performant possible

 

"Quant à nous, nous ne sommes pas inquiets mais attentif", ajoute Julian Reymond. "Pour l'instant, tout n'est que conjecture, et UBS n'a encore officiellement rien décidé, du moins pas pour ce qui concerne les fonds d'immobilier titrisé. En attendant, notre stratégie pour faire face à cette nouvelle situation, c'est de continuer à être le plus performant possible, et de poursuivre notre croissance. Qui d'ailleurs pourrait se faire, si l'occasion se présente, par le rachat de fonds Credit Suisse ou de parties de parcs immobiliers qu'UBS serait tenté ou obligé de céder".
 

Quant à savoir si les autorités financières devraient intervenir, "je suis plutôt pour la liberté de marché", assure Julian Reymond. "Mais il est vrai que nous sommes ici devant un cas exceptionnel, qui aboutit à une réelle situation de monopole". Par contre, s'il pense que la FIMA devrait rester attentive à la situation, le CEO de Realstone ne voit pas très bien ce que pourrait faire l'autorité de surveillance financière. "Ce devrait plutôt être à la Comco d'agir, pour empêcher la création d'une position dominante, avec un très gros acteur qui aurait beaucoup trop d'avantages par rapport aux autres".

 

Olivier Toublan, Immoday