La SICAV immobilière – le succès d’une indépendance à taux fixe

08/12/2022

Jean-Yves Rebord

COPTIS

3 min

En 15 ans, la SICAV s’est imposée comme un véhicule incontournable de la titrisation immobilière. Elle tend même à supplanter les fonds contractuels. A ce titre, on a d’ailleurs pu observer récemment des transformations de fonds en SICAV. Pourtant, la SICAV ne présente aucun avantage déterminant par rapport aux fonds contractuels en termes de règles de placements, de possibilités de rachat, de swap, de surveillance, d’endettement, pas même en matière de fiscalisation de ses rendements immobiliers. 

 

En outre, la SICAV est plus lourde à gérer. Contrairement aux fonds contractuels, il faut la doter d’un conseil d’administration d’au moins trois membres suffisamment compétents et indépendants. Cet organe constitue non seulement un coût, mais aussi un échelon hiérarchique supplémentaire qui rallonge le processus décisionnel pour acquérir ou vendre un immeuble. Il faut aussi doter les SICAV de fonds propres qui peuvent s’avérer importants selon leur gouvernance. Il faut encore gérer leur actionnariat de la même manière qu’au sein d’une société anonyme ordinaire, notamment en tenant un registre des actionnaires, et en organisant des assemblées générales, non seulement en fin d’exercice, mais également à chaque fois que les statuts ou le règlement de placement doit être matériellement modifié. Pus est, les augmentations de capital de SICAV sont renchéries par l’impossibilité en l’état de distribuer un dividende intermédiaire qui entraine une charge fiscale sur les revenus locatifs courus que les fonds contractuels peuvent éviter. 
 

Pourquoi donc un tel succès pour les SICAV immobilières ? On pourrait penser qu’il vient des droits sociaux dont bénéficie leurs actionnaires-investisseurs, alors que les porteurs de parts n’en ont aucun. C’est en partie vrai en période de lancement où le seed money est si important, mais il ne s’agit de loin pas d’un avantage décisif à terme. On pourrait aussi penser que le succès vient de la prérogative laissée au seuls actionnaires-entrepreneurs de dissoudre la SICAV. C’est en partie vrai aussi, mais la mise en œuvre de ce moyen de pression avec un portefeuille immobilier à liquider rapidement semble plus théorique que pratique. 
 

A notre sens, le succès de la SICAV tient surtout dans sa capacité à rester indépendante de ses organes, en particulier de sa direction lorsque son administration est déléguée comme elle doit presque toujours l’être. La SICAV est propriétaire de ses immeubles, alors c’est la direction qu’il l’est à titre fiduciaire pour le compte d’un fonds. Ceci est susceptible d’entrainer un traitement fiscal très différent en cas de changement de direction. Au sein d’un fonds contractuel, tout ou partie du parc immobilier est susceptible de se voir frapper des droits de mutation à la charge de la direction reprenante selon le lieu de situation des immeubles, alors que la neutralité fiscale du changement de direction est garantie pour une SICAV sur tout le territoire Suisse. Passé une certaine taille, il peut devenir économiquement impossible de changer de direction au sein d’un fonds. Vu les récents développements jurisprudentiels en la matière, la SICAV n’est pas prête de perdre cet avantage. 
 

A l’aube des choix qui s’annoncent pour constituer les futurs LQIFs, il faudra garder à l’esprit que, comme dans bien d’autres domaines, l’indépendance à un prix en matière de placements collectifs immobiliers, qui peut s’avérer plus avantageux lorsqu’il est payé au comptant à taux fixe, plutôt qu’à terme à taux variable.

 

 

Jean-Yves Rebord

Docteur en droit et associé chez Python Avocats

Membre de COPTIS



Article paru dans le journal 24 heures le mercredi 26 août 2022



 coptis_logo.svg