Transformer les bureaux en appartements pour diminuer le taux de vacance ?

29/08/2023

Immoday

Olivier Toublan

4 min

Même si la situation est très différente selon la localisation, globalement, le marché des bureaux souffre du désintérêt des investisseurs et d'un fort taux de vacance, surtout dans certaines périphéries. Transformer ces bureaux vides en appartements serait-elle la panacée ? 

 

Les bureaux sont toujours mal aimés par les investisseurs. Pour preuve, les fonds spécialisés dans l'immobilier commercial affichent les disagios les plus importants. Et, dans plusieurs cas, ces derniers mois, certains de ces fonds n'ont pas réussi à convaincre entièrement les investisseurs lors de leurs augmentations de capital.
 

Pourtant, quand on examine en détail la situation de ce secteur de l'immobilier, tout ne va pas si mal. En effet, contrairement à ce qui avait été prévu, on n'assiste pas à une envolée du taux de vacance sur le marché des bureaux suite au boom du home office. "Certains taux d'inoccupation sont même un peu plus bas qu'avant la pandémie" assurent les experts de Raiffeisen, qui expliquent cette situation par la forte demande due à une augmentation continue de l'emploi et à la mise en œuvre finalement assez hésitante du télétravail, ce qui ne permet pas vraiment d'économiser de la surface par employé. Ceci dit, en attendant que la situation se décante, les investisseurs préfèrent rester prudents.

 

L'activité de la construction est au plus bas depuis 20 ans 
 

Pour preuve, l'activité de la construction est faible. En baisse constante ces trois dernières années, si l'on en croit les chiffres publiés par Credit Suisse. "Malgré le soutien conjoncturel en recul, l’offre locative devrait rester stable cette année au vu de l’activité toujours très timide de construction de surfaces de bureaux".  En effet, au cours des 12 derniers mois, le nombre de permis de construire octroyés a été faible. Ils représentent un volume de 1,35 milliards de francs seulement, ce qui, selon les experts de Credit Suisse est le niveau le plus bas de ces 20 dernières années. 
 

Quant aux permis déposés, ils étaient eux aussi sous la moyenne à long terme. Par contre, comme pour tout l'immobilier en général, la tendance est à la hausse sur le front des investissements dans l’existant, "ce qui s’explique sans doute par l’accent accru placé sur la durabilité et l’évolution des attentes vis-à-vis des surfaces de bureaux à l’ère du travail multilocal".

 

Un écart de rendement qui s'amenuise avec les obligations de la Confédération 

 

Du point de vue financier, les experts de JLL estiment que, sur tout le territoire suisse, les prix de l’offre devraient afficher une tendance nominale haussière dans le courant de l’année (prévision: +1,0%). En termes réels, cela implique cependant un léger recul, avec une inflation qui devrait tourner autour des 2%.
 

Par contre, même s'il est légèrement reparti à la hausse ces derniers mois, les experts de JLL constatent que l’écart entre les rendements « prime » de l’immobilier de bureau et le rendement des obligations fédérales à 10 ans a très fortement chuté ces dernières années. "Il s’est détérioré de près de 100 points de base en l’espace d’un an, le double sur 5 ans, impactant négativement la propension à investir dans des surfaces de bureau aux meilleurs emplacements."  On est en fait revenu au niveau de 2008, avant la crise financière. 

 

Une offre qui dépasse la demande dans les grandes villes de Suisse 
 

Si l'on analyse le marché dans les principales villes de Suisse, la situation est pour le moins contrastée. À Bâle par exemple, selon les chiffres publiés par CBRE, le taux de vacance a fortement augmenté ces dernières années, passant de 3,7% en 2019 à 5,7% aujourd'hui. Ce qui est dû, selon les experts de CBRE, au fait que les grandes entreprises pharmaceutiques et financières ont, dans plusieurs cas, délaissé leurs bureaux traditionnels pour s'installer dans leurs propres immeubles. Ce qui fait que Bâle est la seule grande ville de Suisse où le taux de vacance dans les zones périphériques, à 4,2 %, est plus bas que celui du centre. 
 

À Lausanne, la situation dans le centre-ville est meilleure, avec un taux de vacance de 2,4% seulement. Mais ce taux double, à 5,1%, dans les périphéries, avec, estiment les experts de CBRE, "une vacance structurelle qui s'installe pour les immeubles de bureau les plus anciens, situés hors du centre et des quartiers desservis par les transports publics". Pour la capitale vaudoise, au vu du nombre de projets qui devraient être mis prochainement sur le marché, les experts de CBRE estiment que le taux de vacance devrait être en hausse ces prochains mois.

 

Des problèmes dans les périphéries de Genève et de Zürich 
 

À Genève, c'est une autre histoire. Dans le centre, le taux de vacance se monte à 4%, mais il explose dans les périphéries à plus de 10 %, selon les chiffres publiés par CBRE. Avec une différence marquée entre les bureaux récemment mis sur le marché, durables et efficients, et les immeubles plus anciens. En outre, selon CBRE, au vu du nombre de projets en cours de construction, l'offre de bureau va rester haute, probablement plus que la demande, ce qui ne va pas améliorer la situation sur le front des vacances.
 

C'est à Zurich que la situation est la plus contrastée, avec un taux de vacance faible, de 2,3%, dans le centre de la ville, conséquences de la bonne tenue de l'économie et de la hausse du nombre d'emploi. Cependant, selon les experts de CBRE, la demande a ralenti ces derniers mois. En attendant de voir quelle sera l'impact de la fusion entre UBS et Credit Suisse. Par contre, dans les périphéries, la situation est très différente, avec un taux de vacance de presque 15% ! Ce qui incite certains observateurs à se demander s'il ne faudrait pas opter pour d'autres solutions, plus radicales, par exemple les transformer en appartement.

 

Transformer les bureaux en appartements, la solution miracle ?
 

Les experts de Raiffeisen, dans une étude publiée récemment, assurent que, compte tenu de la pénurie de logements qui sévit actuellement, les propriétaires de surfaces de bureaux pourraient en effet, en de nombreux endroits, augmenter ainsi sensiblement leurs revenus locatifs. 
 

Mais attention, selon les quartiers, les prix et le taux de vacance, la situation peut changer du tout au tout. Les experts de Raiffeisen prennent l'exemple de Zurich, où, comme on l'a vu, l'état du marché est le plus contrasté. 
 

Selon eux, la réaffectation des immeubles de bureaux dans le centre-ville n'est pas rentable. "Les bureaux y génèrent des recettes de surface plus importantes que les logements". Dans les communes de l'agglomération où l'utilisation de bureaux est importante, les changements d'affectation ne sont pas non plus attrayants. En fait, les seuls quartiers intéressants sont certains quartiers résidentiels populaires de la ville, où les loyers des logements sont parfois nettement plus élevés que ceux des bureaux. 

 

De nombreux obstacles au changement d'affectation 
 

Mais là encore, le seul examen du niveau des loyers n’est pas suffisant. En effet, explique Raiffeisen, cette simple comparaison ne tient pas compte des coûts très élevés qu'engendrerait la transformation d'un immeuble de bureaux en immeuble d'habitation, en fonction de sa configuration. Il faut également évaluer au cas par cas si un changement d'affectation serait conforme à la zone. En outre, les contrats de location souvent en cours depuis longtemps entravent les changements d'affectation. 
 

Au final, "ce n'est que lorsqu'un immeuble de bureaux arrive en fin de vie et qu'il doit de toute façon impérativement être totalement rénové ou démoli qu'une nouvelle construction de remplacement à usage d'habitation devient une option intéressante". Donc, ce n'est malheureusement pas la solution miracle.

 

 

Olivier Toublan, Immoday.ch