Quel impact de la hausse des coûts sur la valeur de l'immobilier ?

11/01/2023

Olivier Toublan

Immoday

5 min

En 2021 et 2022, la progression des coûts des matériaux de construction et de la main d'œuvre aura été importante. Ce qui ne sera pas sans répercussion sur l'immobilier. Avec une baisse de 14% à 18% de la valeur résiduelle, selon les scénarios.

 

Le marché de la construction est actuellement marqué par une hausse rapide des prix, ce qui exerce une influence déterminante sur la dynamique du marché immobilier, estiment les spécialistes de Wüest Partner, dans le dernier numéro de l'Immo-Monitoring.
 

Reste à savoir quelle sera exactement cette influence. Pour le savoir, Wüest Partner a lancé une vaste étude portant sur la période 1999 à 2022.

 

Tout augmente !  
 

Mais d'abord quelques chiffres. Mi-2022, l’indice des prix de la construction de l’Office fédéral de la statistique (OFS) affichait une hausse de 8,1% sur un an pour le bâtiment. "Il s’agit de la plus forte progression depuis le début du relevé des données en 1998", notent les économistes de Wüest Partner, qui estiment que le renchérissement devrait se poursuivre l’an prochain. 
 

Avec, d'une part, le très haut niveau atteint par les prix des matériaux de construction, même si "cette progression a maintenant perdu beaucoup de son élan". 
 

D'autre part, la hausse des coûts du travail. "On peut s’attendre à des augmentations de salaire de l’ordre de 2 à 3% l’an prochain". Des salaires dans le bâtiment, qui devraient d'ailleurs continuer de progresser à moyen terme "en raison de l’inflation et de la pénurie de personnel qualifié". 
 

Finalement, troisième facteur influençant le renchérissement de l'immobilier, les prix de l’énergie, qui se sont envolés. Ce qui a entraîné une répercussion immédiate, par exemple, sur le prix des matériaux de construction, souvent très énergivores. Quant aux perspectives à moyen terme, les économistes de Wüest Partner ne sont pas exagérément optimistes. "Même après les hausses record de 2022, les prix de l’énergie devraient encore augmenter en 2023. Une normalisation ne devrait intervenir qu’en 2024."

 

Un impact négatif incontestable  
 

Donc, tout a augmenté ces deux dernières années, et tout devrait continuer d'augmenter à moyen terme. Avec un impact direct sur les prix de transaction d’immeubles. "Une hausse de 1% des prix de la construction engendre une augmentation de 0,86% des prix de transaction au cours du même semestre" ont calculé les experts de Wüest Partner. 
 

A court terme, "une hausse de 1% des prix de la construction entraîne aussi une réduction de 0,37% des investissements réels dans la construction". Mais dans ce cas, on observe ensuite un effet de rattrapage dès l’année suivante. 
 

Finalement, une hausse de 1% des coûts de construction a aussi un impact sur la demande des permis de construire, qui baisse de –0,82%. Ici, sans effet de rattrapage à moyen terme. "En cas de fortes hausses des prix de la construction, de nombreux acteurs peuvent reporter leur projet à moyen terme, sans subir de lourdes pressions pour rattraper ce retard", estiment les analystes de Wüest Partner.

 


L'impact de la hausse sur les valeurs de marché  
 

Si le renchérissement de la construction entraîne une hausse du prix des nouveaux immeubles, quel est son impact sur la valeur des immeubles de rendement déjà existants ? Wüest Partner l'a calculé en élaborant plusieurs scenarios. 
 

Le premier table sur un renchérissement persistant, dans lequel les prix de la construction augmentent de 5% par an pendant trois ans, puis de 1% par an ensuite. Dans cette situation, après tous les ajustements de rigueur, les valeurs de marché accusent une baisse de -3,8%. 
 

Le deuxième scénario étudié par les analystes de Wüest Partner prévoit un renchérissement temporaire de la construction, 10% la première année, de 5% la deuxième, puis un recul de 5% la troisième année, et une croissance nulle par la suite. Dans ce cas, les valeurs de marché ne baisseraient alors que légèrement, moins de 1%.
 

Bien entendu, l'impact est d’autant plus grand "que les investissements à consentir immédiatement ou dans un avenir proche sont importants". Que ce soit pour une construction ou une rénovation. A contrario, l’impact sur les constructions récentes ou les bâtiments qui viennent de subir une rénovation totale n’est que marginal.

 

L'impact chiffré pour un projet de 100 millions  
 

Finalement, les économistes de Wüest Partner ont pris leur machine à calculer, se basant sur un projet de construction sur un site de qualité qui présente une valeur capitalisée des revenus futurs de 100 millions de francs.
 

Ces dernières années, la valeur résiduelle après déduction du coût de réalisation, des autres frais et de la rémunération du risque s'élevait à 40 millions de francs pour un tel projet. Mais, avec la situation nouvelle, l’inflation, la hausse des taux et des coûts de construction, la baisse de la valeur résiduelle est importante. 
 

Reprenant le premier scénario, les coûts de construction actuels et futurs augmentent de 12%. "Dans l’ensemble, la valeur résiduelle passe ainsi de 40 à environ 33 millions de francs, soit 18% de moins". Quant au deuxième scénario, le résultat est à peine plus réjouissant, avec une baisse de 14% de la valeur résiduelle. 
 

Bref, à moins de sérieusement optimiser les coûts de construction ou de trouver des terrains moins chers, on constate que la hausse générale des prix va avoir, comme on pouvait intuitivement le penser, un impact notable, et de long terme, sur les prix et la valeur de l'immobilier.

 

Olivier Toublan, Immoday